Par T. Hervé.
Il a aussi emporté avec lui Rudy Benjamin, … qui lui, ne reviendra pas l’année prochaine…
Rudy part un Mercredi des Cendres, jour de carnaval, toujours, quasiment chez nous seulement. En effet, à partir de ce jour-là, l’Eglise reprend la main, pour la préparation de la Passion du Christ, dans la quasi-totalité des autres carnavals de par le monde ! Nos défilés du Jeudi de la Mi-carême relèvent de la même singularité, et tout cela fait de notre carnaval un des plus long au monde !
Et un des plus diversifiés aussi !
Cette diversité, Rudy Benjamin y a largement contribué, refusant, dans sa pratique, les réductions faciles… ou idéologiques (Kannaval cé sa ! Mas sé sa ! Mizik sé sa ! ….Fanm sé sa !). Il est pourtant de la génération de ceux, qui, adolescents au moment où le Zouk prenait son envol, s’entendait dire « misik an nou cé gwo ka ». Sous-entendu, seulement !
Dans sa vie, par sa pratique, Rudy Benjamin fut le contrepied parfait, et permanent, de tous ces ayatollahs qui cherchent en permanence à nous réduire à une seule dimension, oubliant que notre existence même, et plus qu’ailleurs, est diversité. C’est l’essence de notre peuple.
Innovant, rétablissant des liens (carnaval et musique notamment), réensemençant des terres laissées en friche, Rudy Benjamin a apporté de la diversité à la diversité, épousant et enlaçant les contours de notre société. C’est cela qui explique la ferveur qui entoure sa dépouille aujourd’hui.
Et sa panthéonisation aujourd’hui, après les critiques acérées des « bien-pensants » au début du carnaval, est peut-être une opportunité et un levier, et suscite un espoir : celui de la reconnaissance définitive de notre singularité et de la façon que nous sommes nous-mêmes.
Il nous faut laisser Mama Africa et Mother India pour accomplir notre propre destin de peuple jeune et original. Nous apportons déjà au monde cette capacité et cette joie de vivre ensemble, malgré les malheurs de l’origine de notre société.
Malgré l’inhumanité du départ, l’amour a triomphé des circonstances historiques et un peuple s’est construit dans un brassage intercontinental de populations et de cultures diverses, pour un résultat original et exceptionnel à une telle échelle. Résultat que le monde nous envie… même si nous-mêmes ne l’avons pas encore tous compris !
Et ce n’est pas pour faire joli… car il existe des voies alternatives…:
Dans les plaines de la Bekaa et sur les rives du Joudain, les petits-fils d’abraham s’entretuent dans une guerre de plusieurs millénaires, et dans les régions de l’Est de l’Europe, les membres d’une même famille s’entretuent à coups de drones.
Ces alternatives-là sont moins porteuses d’avenir… et il est facile d’en convenir
C’est à travers l’œuvre et l’exemple de personnes comme Rudy Benjamin que notre capacité à s’unir se renforce.
On lui doit aussi ça à Rudy Benjamin.
Propos recueillis par DURIZOT JOCELYN