Sachez que le désespoir est mobilisateur disait tout au début des années 80 le chanteur Daniel Balavoine au Président de la République François Mitterrand. Et quand il devient mobilisateur, il est dangereux.”Le désespoir est entré dans notre quotidien, alors qu’on aurait pu l’éviter.
Nous ne pensons pas suffisamment, dans la concorde et l’intelligence prospective, l’évolution de nos villes et communes ! La gestion de l’espace public et son aménagement dans le temps ne doivent pas répondre à une gestion autoritaire et aveugle de décideurs toujours “inspirés”, mais aux besoins fonctionnels et modernes des administrés.
Cette manie de la gestion divine, toujours solitaire, conduit à bien des gabegies, et à de grandes colères, d’autres diraient quasi-insurrectionnelles, comme on le voit notamment dans la capitale Basse-Terre. Les coups de gueules sur les réseaux sociaux, le ras-le-bol des commerçants excédés, l’irritation des professions libérales (médecins, dentistes, infirmiers, kiné…) sur la nouvelle réglementation du stationnement dans la ville illustrent, s’il en était besoin les conséquences d’une gestion entêtée, ne tenant nullement compte des doléances des utilisateurs.
La réflexion précède l’action. C’est de bonne sagesse. Quelle vision a-t-on du développement de cette ville-capitale pour les 20 prochaines années. Comment envisage-t-on de la rendre attractive, dans quelles filières, dans quels quartiers ? Comment donner une réalité au label : Basse-Terre Ville d’Art et d’Histoire ? Comment associer les citoyens, opposition comprise, en véritables co-acteurs du développement de leur cité. A ces questions, faute d’une vision claire et de projets bien définis, peu de Basse-Terriens sont en mesure d’y répondre simplement, y compris les plus avertis de la chose publique, voire même les élus municipaux. On pourrait même s’interroger, sans faire preuve d’inimitié, sur l’héritage laissé au cours des 20 dernières années.
Mais, cet artéfact urbain, qu’on se le dise, n’est pas seulement consubstantiel à Basse-Terre. De trop nombreuses municipalités naviguent ainsi à vue. Le moyen terme, et encore plus, le long terme, semblent donner des migraines à ceux dont la fonction est précisément de penser l’avenir.
Il n’est pas inutile ici de citer Le Corbusier qui disait : « Puisque les villes offrent aujourd’hui l’image du chaos, il convient bien d’y mettre de l’ordre ». Cette injonction est une interpellation à une responsabilité collective. En effet, la gestion de la ville est-elle un domaine réservé aux seuls experts ou doit-elle ouvrir sur la création de nouveaux cadres d’expression et de participation ?
Développer une cité, n’est-ce pas la préparer à affronter les enjeux économiques, environnementaux et sociologiques de demain ? Dans ce but, les élus devraient davantage réfléchir, anticiper, se projeter. Et mener ces indispensables concertations. Plus de services publics gratuits, plus de transports inter-urbain, plus d’activités et veiller à l’équilibre des quartiers. C’est là d’une évidence aussi claire que de l’eau de roche. Une ville qui évolue, c’est une ville qui prépare les conditions optimales pour accueillir des habitants, des entreprises, et qui cherche à développer une activité économique et culturelle. Et non une cité qui affole ses commerçants, détrousse ses administrés et qui finit par devenir la championne de la hausse d’impôt avec un budget sous tutelle du Préfet. Et pire, tel un épouvantail contribue à l’exode de ses consommateurs vers des ailleurs plus propices.
Notons que pour un usage rationnel et poétique de la ville, il faut que la cité prenne en compte les quatre fonctions que rappelait fort justement Le Corbusier. C’est-à-dire : habiter, travailler, se recréer (dans les heures libres), circuler. Concernant des problématiques englobant aussi bien son extension, sa réhabilitation, l’histoire des villes contemporaines, montre à travers le monde, que la cité ne peut plus être l’apanage des seuls élus, ingénieurs, architectes et urbanistes.
Nos élus comme les pouvoirs de tutelle gagneraient donc mieux à appréhender le fait urbain. D’autant que des villes-centre, comme Basse-Terre ou Pointe-à-Pitre, voient leur population tripler le jour, tant par un flux de travailleurs que de consommateurs. Penser la ville réelle, c’est aussi s’interroger sur les modes d’organisation de la trame urbaine, sur l’articulation entre les différents tissus économiques et sociaux, entre les polarités et le reste de la ville, entre les centralités et les périphéries.
Il faut donc se dire que les frais de gestion de la ville ne peuvent être imputables qu’aux seuls résidents de la ville. Sinon, il y a maldonne sur la donne !
Comprendre le fait urbain est un enjeu majeur. La question urbaine chez nous est centrale. Comment ne pas mieux prendre en compte ici le phénomène démographique dû au contre-exode rural vers des espaces ayant plus de fonciers disponibles comme les Abymes, Baie-Mahault, Petit-Bourg.
Nous ne saurons conclure sans rappeler la déclaration finale, de l’Assemblée Mondiale des Villes et Autorités Locales (Istanbul, 30-31 mai 1996) qui affirme que la ville est un lieu fondamental d’interactions et d’échanges sociaux. Elle doit être reconnue comme l’établissement humain pivot, autour et au sein duquel vont se jouer de plus en plus la croissance et le développement durables, le bien-être et la cohésion sociale de la majorité des populations, la capacité d’adaptation et d’innovation technique, sociale, culturelle et politique, l’invention de notre avenir et une vision renouvelée du progrès de l’humanité et du devenir de nos civilisations
Concevoir un plan de circulation et de stationnement, ce n’est pas une simple technique de logistique et de gestion des flux. C’est un projet de développement urbain. Une concrétisation de la vision que l’on a de l’avenir de la ville, d’une poétique et du bien-être de ses habitants. Certains l’ont semble-t-il oublié.
Rodes Jean-Claude.