Qu’exige-t-on de nos dirigeants ? La popularité ou l’efficacité. Faut-il encore savoir distinguer entre le paraître, l’illusion, l’éphémère et le durable. C’est-à-dire entre Bwa solid ou bwa flo ! !
Notons qu’on peut être populaire, cela relève de l’affectif, sans pour autant être efficace et performant. A contrario, on peut être efficace et performant, inscrire son oeuvre dans le marbre de la postérité sans trouver en contrepartie la popularité “bon enfant” qui permet de se maintenir au pouvoir.
Dans l’histoire contemporaine, dans de nombreux pays les dirigeants les plus efficaces (De Gaulle, Churchill ou Félix PROTO chez nous), mais si contestées pendant le dur exercice de leur mandat n’étaient pas forcément les plus populaires. Et du peuple, in fine, ils ont souvent reçu le coup pied de l’âne.
Pourtant, ces grands serviteurs de la nation, parce que guidés davantage par l’action politique que politicienne et électoraliste, ont laissé des bases stables pour leur pays et des chemins moins “ankayé” pour les générations suivantes.
Ainsi a-t-on vu l’ l’ancien président de Région Félix PROTO, moins populaire que Ibo Simon, s’échiner à vouloir désenclaver la Côte sous le vent en supprimant tous les ponts à une voie, alors qu’il n’y possédait aucun ancrage politique et n’en a tiré aucun bénéfice électoral.
Notre intention ici n’est pas d’en vouloir aux dirigeants populaires. Au contraire ! La popularité demeure nécessaire car elle dénote d’une certaine proximité et surtout de cette capacité à entendre les préoccupations de ceux qui les ont élus. Un pas, mais pas deux devant le peuple signifiait Césaire. Ce que nous fustigeons, c’est le populisme de ces dirigeants qui se limitent à plaire, voire à complaire, essentiellement pour garantir leur réélection.
Ils n’exigent jamais, par le «parler vrai» pour éviter d’être impopulaire, le meilleur de leurs compatriotes. Et c’est là que le bât blesse. Rare sont les dirigeants, chez nous comme dans l’Hexagone, qui ne se limitent pas à une gestion à court terme. Et les problèmes qui exigent du temps, qui s’inscrivent à la fois dans la durée et dans une vision prospective, dépassant leur mandature, et allant dans le sens du pays passent à la trappe. Ou sont traités en pointillés.
Au moment où la population éprouvent les pires difficultés, on peut s’interroger sur ce qui semble le plus primordial pour le bien vivre ensemble.
Du pain et surtout des jeux. C’était déjà connu dans la Rome antique. On peut ici s’interroger sur le jeu frivole de certains élus, et de ces dépenses non prioritaires, budgétivores lors de cérémonies et manifestations, même pour des communes sous tutelle du préfet. Et surtout lors de fêtes communales qui se prolongent en fêtes de quartiers, ou en de remises de diplômes du BAC au Brevet voire jusqu’à la maternelle. Des édiles soignant leur popularité — alors qu’ils se disent “surbookés”, désargentés — deviennent des champions de la “visibilité” aux défilés de mode, au Tour, aux concours de miss, etc…
Dlo moussach pa lèt. On peut se poser la question, à bon escient : Les Guadeloupéens préfèrent-ils la popularité de leur dirigeant ki pa aristokrat, ni gwan grek et ki ka palé kon yo, à l’efficacité.
Jugent-t-il un politique à ses résultats ou à son sourire devant les caméras ? Il y va ainsi de certaines déclarations qui font froid dans le dos. Et si cela ne nous regarde pas au premier chef car il y a des politiques pour y répondre, cela nous inquiète en tant que citoyen. La popularité à bon marché ne peut tout justifier.
On ne sait pas si les leçons seront tirées pour pouvoir gagner le Tour l’année prochaine. Mais entendre le Président de Région déclarer que l’année prochaine l’arrivée se fera dans “l’autre chef-lieu” peut laisser dubitatif. En premier lieu, de quel “autre chef-lieu” parlait-il ? Est-ce Petit-Canal, Gd-Bourg ou Sainte-Rose ? Quid de la réaction du maire de Basse-Terre qui est restée étrangement silencieuse sur cette déclaration du président de région. Idem pour son conseil municipal, opposition comprise. Il y a des silences assourdissants, car coupables.
Nous sommes des patriotes qui avons toujours dénoncé l’émiettement de forces Guadeloupéennes, et fustiger la division voire l’opposition des Guadeloupéens entre eux. “Tout royaume divisé contre lui-même est dévasté” dit Saint-Mathieu dans son Evangile. Ce qui fait l’unité d’un pays ce sont ses lieux symboliques. C’est l’histoire qui façonne l’identité des hommes. Washington, Otawa ou Canberra ne sont pas les villes les plus développées de leur pays. La Guadeloupe a été fondée sur la Basse-Terre. Nous avons ainsi la chance de pouvoir marcher sur deux pieds, de voler avec les deux ailes du papillon. Pourquoi s’évertuer à marcher à cloche-pied ? Et continuer à déshabiller Pierre pour enrichir Paul ? Faudra-t-il bientôt transférer aussi la stèle du sacrifice de Delgrès pour boucler la boucle ? Nous appelons la classe politique à se ressaisir. Et à s’approprier l’histoire et la géographie de notre pays.
Il y a déjà eu des précédents. Des volontés politiques ou administratives de transférer la capitale sur la région Pointoise. En 1976, nous avions trouvé le grand Frédéric JALTON pour s’y opposer, au moment où tout le sud Basse-Terre était à genou à cause de Dame Soufrière. En 1988, ce fut Félix PROTO qui imposa le siège de la Région sur le seul territoire de la ville de Basse-Terre contre l’avis de certains de ses amis qui voyaient là une nouvelle occasion de porter un coup décisif à Basse-Terre. En 2001, c’est Brigitte RODES qui se dressait contre le préfet CARENCO pour affirmer que Basse-Terre était la ville Capitale de la Guadeloupe. Bien sûr, le Progrès Social fut toujours de tous ces combats et le sera encore s’il le faut. Notre archipel est riche de sa diversité, de son histoire contrariée, de ses peuplements variés et colorés. Dressons-nous contre tous ceux qui veulent dessiner notre avenir en noir et blanc. Au propre comme au figuré.
RODES JEAN-CLAUDE