Les crèches de Noël représentent la Nativité de Jésus et appartiennent ainsi à l’iconographie chrétienne dont elles sont emblématiques. Mais, elles ont aussi indéniablement un caractère social et festif, puisqu’à l’instar des sapins et guirlandes, elles font partie des décors et festivités traditionnels de fin d’année.
Si leur place naturelle est dans les églises, la légalité de leur installation dans des édifices publics et notamment dans les mairies, les hôtels de département et de région pose question au regard de la Constitution et de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l’Etat.
Que disent exactement ces textes ?
Alinéa 1 de l’article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances… ».
Article 1 de la loi de 1905 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public »
Article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. »
Article 28 : « Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions“
En clair, la loi de 1905 impose aux personnes publiques d’assurer la liberté de conscience et de veiller à la neutralité des agents publics et des services publics à l’égard des différents cultes.
L’installation de crèches est ainsi légale dans les églises, cimetières, musées et lieux d’expositions. Elle ne l’est pas en revanche, selon la loi de 1905, dans les autres espaces et bâtiments publics.
Cette affirmation doit cependant être nuancée ainsi qu’on va le voir.
Des recours présentés ces dix dernières années devant les tribunaux administratifs et en appel devant les Cours administratives d’appel pour faire cesser l’installation de crèches sur les places publiques ou dans des bâtiments publics ont abouti à un véritable imbroglio juridique qu’il serait fastidieux d’expliciter mais qui trouve son origine dans la dualité de nature, religieuse et profane des crèches de Noël.
Le Conseil d’Etat, juge de cassation, a mis fin à l’imbroglio par une décision d’Assemblée du 9 novembre 2016.
Que faut-il en retenir ?
-1) Sauf si des éléments précis lui confèrent un caractère culturel, artistique ou festif, une crèche de Noël ne peut être légalement installée dans un bâtiment public, siège d’une collectivité publique ou d’un service public ; une telle installation méconnaîtrait, en effet, les exigences qui découlent du principe de neutralité des personnes publiques.
-2) A l’inverse, dans les autres espaces publics et notamment sur la voie publique, durant la période des fêtes de fin d’année, « dès lors qu’elle ne constitue pas un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse », l’installation d’une crèche par une personne publique est légale.
Voilà, « la messe est dite », si j’ose dire ….pour parler de droit et de laïcité !
Si les principes ainsi posés et le cadre général sont assez clairs, les conditions pour y déroger seront sujettes à débat. L’objectif de clarification attendu du juge administratif suprême n’est ainsi pas totalement atteint.
Certains se félicitent de l’approche mesurée et pragmatique retenue par le Conseil d’Etat. D’autres en revanche regrettent amèrement que des usages et traditions puissent faire écran à la loi sur la laïcité et en fragiliser la portée.
Danièle DEVILLERS