A propos de la désignation de Richard Ferrand pour remplacer Laurent Fabius à la tête du Conseil Constitutionnel

Article 56 de la constitution : « Le Conseil constitutionnel comprend neuf membres, dont le mandat dure neuf ans et n’est pas renouvelable. Le Conseil constitutionnel se renouvelle par tiers tous les trois ans. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le président de l’Assemblée nationale, trois par le président du Sénat. La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 est applicable à ces nominations. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée concernée. »
Dernier alinéa de l’article 13 : « (…) Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. (…).
Pour remplacer les membres du CC dont le mandat arrivera à expiration le 7 mars à minuit, à savoir Laurent Fabius, Corinne Luquens et Michel Pinault, le président de la République, la présidente de l’Assemblée Nationale et le président du Sénat ont respectivement choisi Richard Ferrand, Laurence Vichnieski et Philippe Bas.
La commission de l’AN compte 73 membres, celle du Sénat 49. Le vote intervient à bulletin secret, les abstentions et votes blancs ne sont pas pris en compte.
Le vote concernant le candidat proposé par Emmanuel Macron pour succéder à Laurent Fabius, Richard Ferrand, a donné lieu à 97 suffrages des parlementaires sur les 122 que comptent les 2 commissions : 39 voix favorables, 58 défavorables. Si une seule voix défavorable de plus s’était exprimée, la nomination de Richard Ferrand eut été impossible. Mais 58, ce n’est pas 59 et la nomination de Richard Ferrand sera indiscutablement légale. Pour autant, la question de la légitimité d’un président dont la désignation n’aura été approuvée que par 39 parlementaires sur 122 se posera indubitablement. Le crédit du Conseil Constitutionnel n’en sera pas renforcé.
S’agissant du vote sur la désignation de Laurence Vichnievski, proposée par Yael Braun-Pivet, 50 suffrages ont été exprimés : 28 voix favorables et 22 oppositions. Si sa nomination ne posera ainsi aucune question de légalité, du fait que 28 députés seulement sur les 73 de la commission se sont prononcés en sa faveur, sa légitimité ne sera pas évidente.
Tel n’est pas le cas de Philippe Bas, proposé par Gérard Larcher. Sur les 49 sénateurs de la commission, 38 se sont exprimés : 36 voix favorables et 2 oppositions. Il est ainsi le seul des 3 nouveaux membres du prestigieux Conseil Constitutionnel dont la légitimité ne fera pas débat.
Les textes sont mal faits, diront les uns, soutenant que c’est un vote d’approbation des 3/5 des parlementaires siégeant dans les commission des lois qui devrait être prévu pour asseoir la légitimité des membres du Conseil constitutionnel dont il convient de s’assurer de la compétence, de l’expérience et de l’indépendance…et ils n’auront pas tort. Mais les textes en vigueur s’appliquent, indépendamment de leurs imperfections et, à un moment de turbulences dans la vie de notre République et de recomposition du paysage géopolitique, il eut été préférable que le Président de la République fît un choix moins clivant.