L’effroi. La sidération. Et puis la peur et la colère. Oui ce sont les premiers sentiments qui envahissent tous ceux qui ont appris la décapitation d’un enseignant qui a eu l’impudence d’utiliser des caricatures pour enseigner la liberté d’expression et conforter l’esprit critique de ses élèves. Et ce d’autant que les autorités ont identifié 80 messages qui soutiennent l’action de l’agresseur. Quand on sait que l’attentat a été commis 9 jours après le cours par un jeune de 18 ans inculte en matière de religion, on ne peut que s’interroger sur la responsabilité des « commanditaires » des réseaux sociaux.
Pour tous ceux qui croient que la méthode n’était pas appropriée. Pour tous ceux qui pensent qu’il aurait pu se passer de ces caricatures ou qu’il aurait dû utiliser un autre moyen, d’autres outils pédagogiques, une méthode qui ne choque pas certains ou qui ne discriminent pas d’autres. A tous ceux-là, je dis qu’on ne peut transiger avec la liberté d’expression, la liberté d’opinion ni la liberté d’enseigner. Ce sont des principes qui se placent au-dessus des autres car sans liberté de penser et d’expression, on tombe très vite dans le totalitarisme. C’est l’anglaise Evelyn Béatrice Hall qui avait écrit cette phrase trop souvent attribuée à Voltaire : « je désapprouve ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez le dire ». J’ai le souvenir d’avoir eu des enseignants qui étaient des militants communistes qui n’ont jamais hésité à faire passer leur vision du monde à travers les cours d’histoire ou d’éducation civique.
J’ai aussi le souvenir d’enseignants de philosophie dont l’athéisme ou l’agnostisme structurait leurs principes pédagogiques. D’un côté comme de l’autre, leur enseignement mettait en confrontation directe ceux qui comme moi vivaient parfaitement la dualité du monde spirituel et du monde matérialiste et temporel. Je ne parle même pas ici des « ravèt légliz » qui récitaient un chapelet après avoir assisté à de tels cours pour se laver l’esprit et passer à confesse. Ces confrontations d’idées, quelques fois féroces, donnaient lieu à des disputes qui pouvaient aller jusqu’à des fâcheries durables. Mais il n’était pas envisageable d’éliminer l’adversaire sans autre forme de procès, afin d’éradiquer toute forme d’expression différente de la sienne.
Cette façon dans le diktat, le fanatisme et l’intolérance de penser et de faire, c’est justement la définition du totalitarisme, système qui confisque la totalité des activités de la société jusqu’à la part la plus intime de chacun. Ce système de pensée qui cherche à imposer à tous les citoyens (qui n’en sont dès lors, plus vraiment) l’adhésion à une idéologie, hors de laquelle ils sont véritablement considérés comme des ennemis de la communauté. Ennemis qu’il faut donc éliminer par tous moyens, au nom de l’idéologie religieuse ou politique. Ce totalitarisme, que Macron qualifiait il y a quinze jours à peine, de séparatisme islamique s’incruste dans la société française mais également il faut le savoir au sein de la diaspora antillaise, notamment dans les seconde et troisième générations.
Face à cette nouvelle menace, la France va se trouver contrainte de ne plus seulement réagir après chaque acte criminel, chaque attentat, mais bien envisager une lutte globale. En même temps, cela ne peut réussir qu’en intégrant sans aucune discrimination tous ses citoyens, acceptant de mettre les lois de la République au-dessus des lois des religions, sectes et autres formes d’associations.
Pour notre part en Guadeloupe, terre de métissage, cela n’a pas été sans heurts, nous avons beaucoup appris de l’acceptation de l’autre, de sa culture, de ses mœurs, et même de ses croyances ou religion. Cette tolérance dans l’acceptation de l’altérité, nous autorise à être cité en exemple pour les laudoteurs de l’inique et unique pensée.
N’oublions pas cependant qu’il existe une position du curseur au-delà de laquelle, la vitesse d’intégration devient problématique, surtout lorsqu’il n’existe pas de part et d’autre de réelle volonté de bien vivre ensemble et non pas côte-à-côte.
Ces principes d’intégration sont valables pour tous ceux qui veulent porter une heureuse contribution à notre archipel. Mais dans le respect de sa culture et ses légitimes aspirations. C’est dire qu’il faut faire Guadeloupe d’abord !
L’intolérance comme le fanatisme et les hégémonismes ne sont ni d’aujourd’hui, ni d’hier. Gardons-nous des contagions funestes. Quand rien n’est figé ni définitivement écrit, vigilance donc !
Rodes Jean-Claude