Voilà chers lecteurs, chères lectrices, 2022 qui s’en va. Il est de tradition de tirer le bilan de l’année écoulée avec ses temps forts, ses moments d’émotion, de tristesse avec nos chers disparus, moments d’espoirs alternant avec les déceptions de la vie.
Certains confrères de la presse vont désigner leur homme ou leur femme de l’année. D’autres iront plus loin en repassant le fil des évènements marquant de l’année. Nous au Progrès social, nous préférons nettement nous tourner vers l’avenir car le passé est déjà dépassé. En cela, nous disons qu’il faut enfin analyser avec lucidité, courage et sincérité les réalités de notre Guadeloupe. Et sans complaisance aucune, s’interroger sur les réponses jusqu’ici apportées. Dans un monde en pleine mutation et rempli certes de certitudes, mais aussi de beaucoup d’incertitudes.
De premier abord, on pourrait avoir une impression d’éternel recommencement. Des problèmes toujours sans solution depuis des années. Des questions qui reviennent sans cesse sur le devant de la scène politique. En relisant des exemplaires du progrès Social datant des années soixante, on doit se rendre à l’évidence : nous tournons en rond. « Won, won won » dit la chanson du groupe Soft.
Les interrogations sur notre avenir
politique, institutionnel voire statutaire, débattues au sein de la «Revue Guadeloupéenne» dès 1958 n’ont pas pris une ride. Ou plutôt si, car en définitive à force de stagner, on finit toujours par reculer.
Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’en matière de stagnation, nous finissons par en connaître un rayon sur l’eau, le chômage, les transports, l’insécurité routière et civile, et j’en passe. C’est à croire que nous ne sommes jamais capables de traiter complètement une problématique, afin d’en finir. Il y a loin de la coupe aux lèvres. Au contraire les déboires s’accumulent et rendent le quotidien de moins en moins vivable.
Et c’est bien là que le bât blesse. L’absence d’unité de point de vue et d’action est accentuée par la fragmentation. Et gangrène notre capacité à faire ensemble. C’est le repli sur des particularismes en privilégiant une appartenance de classe, un déclassement épidermique ou un vrai débat sur le rôle des femmes et le changement climatique. Notre société se doit d’apporter des réponses à trois générations vivant sur le territoire, mais peinant à faire bloc. Elle s’étiole inévitablement, inéluctablement.
Pour sortir d’un pessimisme alimenté par des décisions, des comportements et affrontements paniques, il faut oser se repenser.
Car, à l’heure des ego de la démesure et du triomphe de l’individualisme, il devient de plus en plus difficile et rare de pouvoir jouer collectif, de faire route ensemble, choisir le cap pour conduire et réussir durablement un projet commun.
On l’a encore constaté durant la coupe du monde. On ne supporte plus une sélection (sa sélection), on est contre une équipe, contre un joueur, contre un sélectionneur. Les intérêts individuels, les humeurs, les passions et l’irrationnel, passent allègrement au-dessus de ceux du groupe, du pays.
Du coup, la confiance et l’intelligence collectives se désagrègent au bénéfice des clans, des intérêts corporatistes du moment. On résonne plus qu’on ne raisonne. C’est malheureusement le cas chez nous où tous les leaders sont systématiquement dénigrés, où tout projet collectif mort-né, tué dans l’œuf par les réseaux sociaux (pas vraiment sociaux), ou la réussite est toujours suspecte. La pensée perd de sa cohérence. Il n’y a que pour le désir et souvent immédiat. On exige d’avoir le beurre, l’argent du beurre et même la crémière. Certains peuvent en même temps critiquer le système de contrôle social Chinois et réclamer plus de vidéosurveillance dans l’espace public. Exiger la libre circulation sur l’espace littoral et supplier misyé lè mè de leur laisser habiter au bord des rivières.
La perte de confiance dans nos élites et de nos responsables, pourtant, élus démocratiquement, fragilise notre capacité à privilégier l’intérêt général et faire peuple. Le choix est clair. Le chaos ou la cohésion sociale.
Ibn Khaldoun disait avec raison qu’il « est rare qu’un Etat puisse établir son autorité dans des pays, des territoires caractérisés par une multitude de solidarités tribales ». Nous franchissons le premier quart de ce siècle. Il est temps de révolutionner nos pensées et notre agir. Laisser ce vieux monde et ces vielles pratiques mourir. Il faut explorer de nouvelles pistes. Trouver de nouveaux modes d’action. Apprendre à apprendre de l’autre pour agir ensemble en donnant toutes sa place au savoir, au savoir – faire et surtout au savoir – être, pour vraiment DELIBERER au sens premier du terme. Penser autrement, Agir collectif, avancer ensemble. Mais bon, là je rêve !
Joyeux Noël
et bonne année 2023 !
Rodes Jean-Claude
