L’élection présidentielle française de 2022 sera la douzième de la Ve République. Cette dernière se tiendra dans quelques jours, le dimanche 10 avril 2022 pour le premier tour et le dimanche 24 avril 2022 pour le second tour. Néanmoins, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et en Polynésie française, les électeurs voteront les samedis 9 avril et 23 avril pour tenir compte du décalage horaire. François MITTERAND, qui disait à l’encontre de la droite « il y a ceux dont la principale préoccupation était de garder le pouvoir alors que lui voulait le rendre au peuple, en fin connaisseur de la 5e République persistait à dire : qu’il y a deux élections qui comptent en France : celle de maire et celle président de la République. Il ne se passe pas un jour sans que ne soit publié un sondage sur les intentions de vote. Et si, rappelons-le, un sondage ne doit pas être vu comme une prédiction des résultats des scrutins mais plutôt comme une façon d’analyser l’évolution, sur une période donnée, des forces en présence. Il s’agit surtout, comme j’aime à le dire, de repérer les dynamiques qui s’installent dans une campagne électorale. Ne l’ a-t-on pas constaté dans les îles du nord entre la trajectoire victorieuse de la fusion des deux listes d’opposition à St-Barth d’une part. Et celle déclinante de la fusion des trois listes à St-Martin ? Alors que toutes deux avaient un avantage mathématique sur leurs adversaires et que l’addition de leurs voix aurait pu donner à croire à leur victoire. Et pourtant ! D’un côté, à St Barth, il y a multiplication des voix pour remporter la victoire. De l’autre, plutôt qu’une addition, ce fut la douche froide avec un score très inférieur au total de voix des trois listes réunies. A l’analyse, la cause en est simple : il s’agit de la dynamique perçue par l’opinion.
D’un côté, l’alliance qui s’est nouée très vite, dès le dimanche soir, semblaitcohérente et naturelle au point que la tête de liste ne fut pas celle arrivée en seconde position mais celle parvenue en troisième position. L’objectif étant absolument de déchouker la dynastie des Magras ! A Saint Martin, au contraire, un accouchement difficile, après des négociations complexes voire tumultueuses, conduit à penser que l’alliance n’était ni pertinente, ni cohérente ni solide.
Ainsi, les sondages, les études sociologiques des électeurs, les analyses fines des déplacements idéologiques conduisent à ce que plus on s’approche du scrutin, plus les instituts de sondage gagnent en certitudes et en précisions.
A noter que sur les 25 dernières années aux élections présidentielles, les estimations ont toujours été très proches du résultat final. Même en 2022, où un mois avant le scrutin, le candidat du Front National Jean-Marie LEPEN, qui était placé en 4e position avec environ 8 % des intentions de vote, est apparu au coude à coude avec Lionel JOSPIN dans les sondages effectués 48 heures avant le vote — et donc non publiés en France à cause de la loi — par les grands journaux Suisses ou Belges. Mais il est un domaine qui par contre est très souvent mal appréhendé par les sondages. C’est celui de l’abstention ou même du vote nul et blanc. En 2012, il y avait environ neuf millions d’abstentionnistes. En 2017, ce chiffre est passé à 10 millions au premier tour et à 12 millions au second tour. Et l’on doit y ajouter les votes nuls et blancs qui représentent quelques fois un nombre important des votants. Au second tour de la présidentielle, en votant nul ou blanc, plus de quatre millions de Français ont donc signifié leur volonté de ne pas choisir entre les deux candidats en lice alors qu’ils étaient 950 000 au premier tour. Un nombre qui a explosé. Car en 2012, c’était deux millions au second tour contre 700 000 au premier. Cette difficulté est causée d’une part, parce que les personnes qui répondent aux enquêtes d’opinion sont en général plus politisées, donc sont plus enclines à aller voter. Et également parce que les personnes interrogées ont tendance à indiquer qu’elles iront voter de manière à se placer dans la norme sociale qui veut qu’un bon citoyen fasse son devoir électoral. Par conséquent, les personnes qui répondent aux sondages sont en général bien représentatives des votants, mais le sont beaucoup moins de l’ensemble des électeurs inscrits. Et ici je n’évoque même pas les non-inscrits qui par définition ne font pas partie du corps électoral.
Or pour les candidats, ce réservoir de voix non exprimées, représente l’espérance d’une surprise au premier tour. Celle que les sondages n’avaient pas vue. Et encore plus le fantasme d’une mobilisation de masse entre les deux tours. Mais comme on l’a vu plus haut, la dynamique d’entre deux tours est mue par d’autres ressorts qu’avant le premier tour. Ces abstentionnistes sont devenus une chimère après laquelle courent tous les candidats, les instituts de sondages et aussi les journalistes politiques. Pour autant en France comme en Guadeloupe, le désintérêt pour le vote croît d’années en années. Même les élections municipales, celles de la proximité, sont touchées par le phénomène. On l’a vu chez nous, en 2020, où les scores de participation supérieurs à 80 % font désormais partie d’un lointain passé, et ce dans presque toutes les communes de la Guadeloupe. Du coup l’attention se porte sur les jeunes générations censées être moins politisées et donc plus perméables, plus réceptives à des discours moins conventionnels. Mais là encore, on verra le résultat le 8 avril prochain. Wait and see !
Rodes Jean-Claude