Du côté du changement institutionnel, il faudra repasser. C’est en substance ce qu’a déclaré la première ministre Élisabeth BORNE à l’issue du tant attendu CIOM (Conseil Interministériel des Outremers). L’urgence des uns n’est pas toujours l’urgence des autres !
La réunion, maintes fois reportée, a rassemblé pas moins de 17 ministres et secrétaires d’État pour discuter des demandes présentées par les différents territoires d’outre-mer. En Guadeloupe, le Congrès des élus du 7 juin dernier avait mis sur la table 153 propositions. Le CIOM du 18 juillet a donc écarté (ou reporté) l’examen des mesures liées à tout changement institutionnel. Il faut dire que seule la Guadeloupe avait demandé le lancement de la procédure de modification statutaire telle que prévue par la Constitution. Les autres territoires comme la Martinique, la Guyane ou Saint-Martin qui ont déjà sauté le pas de la collectivité unique, réclament un élargissement de leurs compétences. Et notamment, l’île sœur, qui souhaite intégrer rapidement les organisations caribéennes comme la CARICOM. La réponse du gouvernement, sur cette question de l’insertion régionale semble a priori favorable puisqu’il a été décidé, non seulement de soutenir cette volonté, mais également de nommer aussi bien en Martinique qu’en Guadeloupe un conseiller diplomatique chargé d’accompagner (et de surveiller) cette démarche et également la mise en place d’une plateforme d’harmonisation des normes. Pour autant la première ministre a renvoyé à la fin de l’année la question institutionnelle. C’est également le cas pour les questions d’immigration et de sécurité qui seront intégrées dans une prochaine loi. Pour l’heure, c’est surtout la situation à Mayotte et en Guyane, plus explosive, qui seront prioritairement traitées. La décision de créer une préfecture de plein exercice ainsi qu’un SDIS dans les îles du nord a été actée, suite à la récente visite du ministre Gérald DARMANIN.
Autrement, ce CIOM a pris 72 mesures d’ordre générales liées à l’économie, au social et à la santé.
Ainsi, la sempiternelle réforme de l’octroi de mer est lancée. Une refonte de l’octroi de mer qui est l’objet d’une stricte surveillance non seulement de la part des têtes d’œuf de Bercy mais également des élus locaux du fait que l’octroi de mer constitue une part prépondérante du financement de la Région et des communes, et aussi des acteurs économiques, qui ne veulent pas être les dindons de la farce. En particulier, les entreprises de services, jusque-là exonérées, et qui sont en concurrence directe avec des entreprises situées dans l’Hexagone. Une réforme de la défiscalisation est également dans les tuyaux pour limiter les effets d’aubaine d’une part et réorienter cette forme de financement vers la transition écologique.
Le prix des carburants revient aussi sur la table des négociations avec certainement une révision prochaine du mode de calcul. L’approvisionnement dans notre proximité peut non seulement réduire les coûts, mais aussi rajouter à notre sécurité, et ce d’autant que l’arme économique intervient souvent comme instrument de chantage lors de conflits.
D’autres mesures d’ordre économique ont été passées en revue comme les liaisons aériennes dans la Caraïbe, la production en fruits et légumes ou encore la nécessité d’augmenter les contrôles de la DDCCRF sur les pratiques anticoncurrentielles. Par exemple, une annonce forte a été faite par le ministre de l’économie Bruno LE MAIRE sur le retour de la France au capital de la banque caribéenne de développement dont elle était absente depuis 2000. Les négociations en cours depuis un an, conduites par le ministre des comptes public Gabriel ATTAL, ont pris un tour sérieux lors de la visite le mois dernier de Mia MOTTLEY, la première ministre de la Barbade à Paris à l’occasion du sommet de Paris sur un nouveau pacte financier mondial. Jusque-là, la France considérait que cette banque n’intervenait pas assez en faveur d’Haïti ni de la Guadeloupe et de la Martinique. Il y a donc un alignement des planètes sur l’insertion dans la Caraïbe.
La première ministre a également annoncé une augmentation de 400 millions supplémentaires des investissements dans les infrastructures des Outremers. Les réseaux d’eau de la Guadeloupe devraient sans doute en bénéficier.
Enfin plusieurs mesures d’aide pour les étudiants avec un billet A/R gratuit par an pour ceux qui partent étudier en France.
Le CIOM qui n’avait pas eu lieu depuis 5 ans se déroulera désormais tous les ans.
Doit-on donc considérer ce CIOM comme un nouveau départ, avec la relance de thématiques qui avaient, il faut le dire, été abandonnées par les gouvernements successifs ? Pour autant, on sent bien que ce gouvernement marche sur les œufs à partir du moment où l’on aborde des questions essentielles sur l’économie, la fiscalité, ou les relations internationales.
Espérons au moins que les sujets liés à la santé, à la sécurité et à l’égalité de traitement soient franchement traités, avec une vraie vision de ce que sont nos territoires respectifs et une domiciliation renforcée des décisions. On attend donc l’application réelle de ces 72 mesures et leur évaluation concrète sur le terrain.
RJC