RENCONTRES TERRITORIALES DE LA CNFPT – 17 décembre 2010
Mesdames et messieurs les élus
Mesdames et messieurs
Nos travaux portent ce matin sur uneproblématique crucialequi questionne l’organisation de la République tant on a le sentiment d’assister à la mort de l’esprit même de la décentralisation
En effet, depuis 2002, les conditions de transfert et de financement des allocations RMI, RSO, ACTP, PCH, APA et bientôt du RSA traduisent bien la situation ubuesque dans laquelle nous nous trouvons.
Je m’en voudrais d’asséner à notre aimable assistance une litanie de chiffres, mais je souhaite toutefois vous citer quelques exemples afin de vous édifier pleinement de la façon dont la Guadeloupe subit la non compensation des transferts de charge de l’Etat sur les départements.
Globalement, au cours de la période 2002-2010, le Département de la Guadeloupe a mobilisé 1,7 Mds d’€ pour financer ces allocations.
Le RMI/RSO représente 69% de ces dépenses, l'APA 25% et l'ACTP/PCH 6%.
Face à ces dépenses, la collectivité a reçu 1,3 Mds € de recettes issues de la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP), du Fonds de Mobilisation Départementale pour l'Insertion (FMDI), de la Caisse Nationale de Solidarité et d'Autonomie (CNSA) et de divers recouvrements.
Ces concours ont été très nettement insuffisants puisque le reste à charge global s'élève à 387M€ début décembre 2010, soit l'équivalent d'environ 6 années de dépenses d'équipement, ce qui paraît considérable lorsque l'on mesure les besoins de la Guadeloupe en matière d'équipements structurants.
Mais comme le dit l’adage, le diable étant dans le détail, Examinons tout d’abord le RMI/RSO
De 2004 à début décembre 2010, la dépense RMI/RSO s'est chiffrée à 1,17 milliards d'euros parallèlement à des recettes qui s'élèvent à 1,06 milliards d'euros. Le reste à charge pour la collectivité est donc de 112,7 M€, ce qui représente un taux de couverture de 92% en moyenne.
Au cours de chaque exercice, c'est donc en moyenne 13,5 M€ que le Département doit dégager sur ses propres recettes afin de financer le RMI/RSO compte tenu de l'insuffisance des recettes TIPP et FMDI.
Et naturellement l'entrée en vigueur au 1er janvier 2011 du Revenu de Solidarité Active (RSA) en remplacement du RMI et de l'ancienne Allocation Parent Isolé (API), désormais à la charge du Département, devra conduire à une vigilance accrue.
S’agissant de l'APA
Sur la période 2002-2010, le Conseil général de la Guadeloupe a dépensé 423 M€ alors qu'il n'a reçu que 228 M€ de compensation de la part de l'Etat.
Le reste à charge s'établit donc à 195 M€ sur la période soit un taux de couverture de 67%. Au cours de chaque exercice budgétaire, ce sontdonc environ 22 M€ que le Département doit financer sur ses fonds propres.
Le pic de la dépense a été atteint en 2004-2005 avec près de 70 M€ alors que la moyenne est de 47 M€ sur la période analysée. Au cours de ces deux années là, compte tenu d'un niveau de recettes limité à 34 M€, ce sont près de 106 M€ que le Conseil général a été contraint de mobiliser sur ses recettes propres pour financer l'APA.
A noter que depuis 2006, la dépense d'APA marque une certaine décélération puisqu'elle affiche un repli de près de 15 M€ à fin 2009.
Mais malgré cette tendance, la charge nette supportée par la collectivité ne cesse de croître sous l'effet d'une diminution de la contribution de la CNSA.
Pour ce qui concerne la PCH/ACTP
Au cours de la période 2002-2010, le Département a dépensé 23,9 M€ au titre de la PCH et 76 M€ pour l'ACTP.
Il convient d’ailleurs de préciser que la dépense d'allocation ACTP/PCH présente une singularité en Guadeloupe par rapport aux départements de la métropole.
En effet alors que ces derniers connaissent depuis plusieurs années une baisse de l'ACTP au profit de la PCH, en Guadeloupe, l'ACTP n'a amorcé son timide repli que depuis les exercices 2008-2009 avec des diminutions annuelles de l'ordre de 4%.
En parallèle, la PCH est passée de 4,3 M€ en 2006 à 6,5 M€ au compte administratif 2009, soit une progression de 2,2 M€.
La recette CNSA quant à elle s'affiche à un niveau quasi stable aux alentours de 4 M€, face à une ACTP qui se maintient à 9,4 M€ en moyenne sur la période 2002-09 et à une PCH qui augmente et représente 4 M€ en moyenne de 2006 à 2009.
Par voie de conséquence, la charge nette départementale de PCH et d'ACTP a poursuivi une forte hausse sur la période puisqu'elle passe de 8,4 M€ en 2002 à 11,8 M€ fin 2009, soit une hausse de 38,5%.
En cumul, le Département a donc dû dégager 79 M€ sur ses fonds propres pour financer ces deux allocations, avecun taux de couverture qui s'établissait fin 2009 à 27% contre 39% en 2008.
Au final, mesdames et messieurs il ressort de cette analyse que l'évolution des allocations individuelles de solidarité représente indiscutablement un poste à enjeux majeurs pour la Collectivité.
D’un côté, il y a des allocations dont la nature et le montant sont définis par l’Etat, et qui en vertu de l’égalité républicaine, ouvrent des droits universels et à ce titre relèvent de la solidarité nationale.
De l’autre, il y a des compensations versées par l’Etat qui sont nettement insuffisantes et nous obligent donc à faire jouer la solidarité départementale
Et dans le même temps il y a naturellement les autres compétences départementales qu’il convient de mettre en œuvre avec efficacité en sorte d’assumer pleinement nos missions de proximité au service de nos concitoyens.
Sans compter la culture, le sport, la lecture publique, ou encore le logement, qui loin de constituer des compétences facultatives, sont essentiels à la vie quotidienne des Guadeloupéens.
Malgré toutes ces contraintes, il nous appartenait au surplus de maintenir un très haut niveau d’investissement, de l’ordre de 100 M€ chaque année, car nous savons que la commande publique induit aussi de l’activité et qu’au plus fort de la tempête il faut savoir garder le cap de la préparation de l’avenir, pour compenser la solidarité nationale défaillante.
Dans un tel contexte le conseil général a donc été contraint de procéder à une véritable remise en question pour apprendre à faire mieux, avec moins de moyens.
Et c’est cette stratégie qui nous a permis de mettre en place un véritable plan d’action en agissant sur plusieurs fronts :
Tout d’abord opérer un recentrage radical sur nos compétences propres parce que désormais le conseil général n’était plus en mesure d’être présent partout.
Ensuite, prendre des décisions courageuses pour limiter la dégradation de nos comptesà l’instarde la campagne de contrôle des allocataires de l’APA expliquant que pour chaque euro indument perçuune personne âgée véritablement dépendante risquait de se voir privéede la solidarité départementale.
En outre, nous avons fait un effort considérable de maîtrise de nos coûts de gestion afin de limiter l’augmentation de nos dépenses de fonctionnement sans jamais remettre en cause, l’intensité du service public départemental.
Nous avons également suprivilégier la coopération fertile à la concurrence stérile, à l’instar de la synergie d’action que nous avons mise en place depuis 2004 avec la collectivité régionale pour limiter le chevauchement budgétivore des compétences.
Et dans le même temps, j’ai envie de dire que nous avons préféré privilégier « le bouclier social au bouclier fiscal » puis que nous n’avons pas augmenté les impôts afin de ne pas alourdir davantage la charge qui pèse sur les ménages guadeloupéens
Vous l’aurez donc compris mesdames et messieurs le département de la Guadeloupe évolue dans un contexte budgétaire encore plus contraint qu’au niveau national.
Et parce qu’il importe d’optimiser chaque euro public, nous avons fait le choix de traquer les dépenses inutiles et d’évaluer sans cesse la pertinence de nos politiques publiques dans une logique de performance que l’on attache il est vrai plus souvent à la sphère privée,
Parce que l’argent se fait de plus en plus rare, nous avons pris le parti de tenir un discours de vérité en ayant le courage politique d’indiquer le champ du possible en toute transparence à nos concitoyens,
Parce que l’on est toujours plus fort ensemble que seul, nous avons choisi de mutualiser les compétences et les moyens,
Nous avons fait tout cela parce que nous avons chevillé au corps ce que le philosophe guadeloupéen Cyril SERVA nommait « le sens du pays », un sentiment fondamental fait de reconnaissance, de dévouement, d’abnégation, et finalement d’amour,
Mais un jour viendra ou les tribunaux feront que l'Etat respecte son engagement de juste compensation.
Un jour viendra où les élus locaux révoltés refuseront tout nouveau transfert de compétences car nous ne pourrons plus supporter la logique qui nous réduit au rôle de «bureau d’aide sociale de l’Etat ».
Et je pense que l’actualité nationale, autant que nos travaux, démontrent que ce jour n’est pas si lointain.
Je vous remercie de votre attention