Monsieur le Ministre des Outre-Mer, cher Victorin
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Sénateur et Président du Conseil général, cher ami Jacques
Chers collègues conseillers généraux et conseillers régionaux, Mesdames et Messieurs les maires,
Mesdames et Messieurs les invités,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités.
Moins de trois mois après notre dernière réunion du 27 décembre 2012, les élus régionaux et départementaux sont donc de nouveau en congrès, à l’initiative du président du Conseil général, pour discuter de l’avenir institutionnel de la Guadeloupe.
Certes, ce n’est pas l’intitulé officiel de ce XIVè Congrès. Il ne semble pas y en avoir, d’ailleurs. Mais le souci – que je peux entendre – de ne pas inquiéter nos compatriotes, ne doit pas pour autant conduire à leur cacher une vérité essentielle, fut-elle dérangeante.
Le peuple, en particulier le nôtre, et singulièrement sur ces questions institutionnelles, a droit à la clarté.
Il exige – à raison – qu’on lui livre la vérité de nos intentions, car il n’a pas son pareil pour débusquer derrière les pensées, ces arrière-pensées que certains élus dissimulent parfois si mal.
C’est au nom de ce devoir de vérité que je souhaite m’exprimer aujourd’hui.
***
Bien sûr, nous parlerons du Projet guadeloupéen de société dont nous avons lancé l’élaboration en 2009.
C’était une belle démarche. Et je remercie Jacques Gillot de l’avoir initiée.
C’était une démarche utile et inédite en matière de démocratie participative qui a généré un très grand nombre de contributions.
La Région y a pris toute sa part.
La contribution « Pour une société de projets » portée en 2011 par Victorin LUREL a symbolisé cette volonté, au-delà de la simple formulation de propositions en matière de politiques publiques, de mettre en débat jusqu’aux principes et aux valeurs appelés à structurer la société guadeloupéenne d’aujourd’hui et de demain.
L’exercice conduit durant de longs mois, a permis, par le travail d’écoute de la population invitée à s’exprimer, de mieux connaître et surtout de mieux comprendre les attentes des citoyens.
Et je suis fière de pouvoir dire que ces attentes exprimées par les Guadeloupéennes et les Guadeloupéens valident à bien des égards les priorités qui sont celles de la majorité régionale et que nous avons portées en 2010 : en particulier l’éducation et la formation, la jeunesse, le développement économique et l’emploi.
Je crois aussi pouvoir dire, à bien y regarder, que c’est la synergie d’action entre les deux collectivités majeures qui est plébiscitée par nos concitoyens qui l’appellent encore de leurs vœux.
Aujourd’hui, après de longs mois de débats, de discussions et de synthèses, le rapport du Groupe de Pilotage du Projet Guadeloupéen de Société représente une somme considérable. Et une question nous est posée : quelle réponse politique ?
Oui, M. le président du Conseil général, cher Jacques, oui chers collègues, ce travail mérite effectivement une réponse politique. Voire plusieurs réponses politiques. Et la première de ces réponses, n’est-elle pas précisément de mettre en œuvre, d’ores et déjà, le fruit de cette concertation inédite de notre population ?
Le mettre en œuvre en reprenant ses préconisations dans nos orientations.
Le mettre en œuvre dans nos priorités budgétaires, mais aussi dans nos futurs plans et schémas prospectifs.
N’y a-t-il pas, dans ce rapport, quelques matières jugées urgentes et prioritaires par les citoyens que nous ne puissions mettre en œuvre tout de suite ?
J’entends bien qu’il faille poursuivre le travail comme cela nous est proposé dans le rapport qui a été communiqué aux élus du congrès. Je l’entends d’autant mieux que nous nous sommes engagés à présenter à la population non seulement les préconisations issues de la concertation, mais aussi le Projet de Société Guadeloupéen en lui-même.
Je demande donc au Président de Congrès en exercice, cher Jacques, de tout mettre en oeuvre pour que nous puissions tenir nos engagements auprès de la population.
Il faudra évidemment mettre en cohérence nos différents schémas directeurs et les préconisations du rapport du Groupe de Pilotage. Il faudra aussi travailler à mieux communiquer vers la jeunesse, à mieux l’écouter et à mieux l’inclure dans nos réflexions. Et il faudra également y intégrer nos problématiques de violence et spécifiquement de violences faites aux femmes.
Il me semble que nous devrions confier ces travaux au Comité Guadeloupéen de Projet, instance en charge d’organiser la concertation en vue de l’élaboration de notre projet de société. Et au delà de cette mission, au regard du travail remarquable effectué par notre Comité Guadeloupéen de Projet, au regard aussi de sa représentativité du corps social guadeloupéen, je vous propose que cette instance demeure un organe permanent de consultation et de concertation que les collectivités pourront solliciter.
Mais à la lecture du rapport qui nous a été transmis, à la lumière de nos débats lors du dernier congrès, sans oublier les déclarations qui ont été nombreuses, y compris au sein de la commission mixte paritaire, j’ai une curieuse impression.
Oui, j’ai la curieuse impression qu’il nous est proposé de poursuivre le travail d’élaboration du projet de société, tout en nous invitant à considérer que seule la question institutionnelle, qui ne figure pourtant pas parmi les priorités des Guadeloupéens, est jugée mûre et prête à être mise en œuvre.
Comme si, finalement, la seule réponse politique que nous ayons à formuler, à ce stade avancé de l’élaboration du projet de société, c’est de changer nos institutions.
Comme si, en réalité, l’objectif de tout ce travail n’était que de relancer un processus de bouleversement institutionnel que les Guadeloupéens ont majoritairement rejeté en 2003.
Et c’est peut être cela qui fonde les divergences qui ont pu s’exprimer entre nous ces dernières semaines et que nous ne devons pas cacher aux Guadeloupéens.
En 2009, au moment où nous lancions l’élaboration du Projet de société, Victorin Lurel disait déjà – il me corrigera si je trahis l’esprit de ses propos – que cette démarche ne devait pas être un prétexte pour rouvrir la question institutionnelle.
Par la suite, notre majorité n’a eu de cesse de rappeler que l’exigence de vérité et de clarté devait conduire les forces politiques à énoncer clairement leurs options institutionnelles, voire statutaires, et à les défendre courageusement devant les électeurs, devant les urnes.
Et, en 2010, c’est précisément ce que nous avons fait, avec Victorin Lurel, mais aussi avec vous, M. le président du Conseil général, qui étiez à nos côtés durant cette campagne. Nous disions, à l‘époque – ce n’est pas si vieux, à peine 3 ans – que la question institutionnelle si elle n’était pas morte, n’était pas la priorité des Guadeloupéens – et elle ne l’est toujours pas.
Nous disions aussi que nous étions attachés à l’article 73 et au droit commun.
Nous disions, enfin, que nous étions favorables à une stabilité de nos institutions sur la durée du mandat que nous sollicitions alors.
Et c’est sur la base de ces engagements que nous avons été élus, quand bien même il existait entre nous des différences de sensibilité sur cette question.
L’exigence de vérité me conduit, là encore, à dire ici qu’il n’y a rien dans la situation d’aujourd’hui qui justifie que nous nous sentions délivrés de l’engagement pris devant les électeurs. Car je rappelle que si nous avons envisagé après 2010 des évolutions, ce n’est qu’en réaction au mauvais projet de réforme des collectivités territoriales qu’avaient initié le président Sarkozy et le gouvernement Fillon.
Nous serions d’infâmes conservateurs, à entendre certains qui nous attaquent parfois violemment. En réalité, nous sommes simplement respectueux des engagements pris devant le peuple.
Pour autant, nous n’avons jamais refusé de discuter et de réfléchir aux voies et moyens de faire mieux fonctionner nos institutions. Car tout est perfectible.
C’est pourquoi nous n’avons pas refusé d’examiner d’éventuelles évolutions des compétences de nos collectivités, même lorsqu’elles nous étaient proposées à la hâte.
Mais je veux dire et répéter qu’il s’agit là de sujets sérieux qui ne peuvent souffrir d’aucune approximation. Car, c’est toujours d’une main tremblante que l’on doit toucher aux institutions, quelles qu’elles soient..
A cet égard, je voudrai exprimer mon malaise sur la méthode et le calendrier.
Vous connaissez tous l’importance des résolutions de notre Congrès ; d’une part parce qu’elles définissent, voire engagent, l’avenir de la Guadeloupe et celui de nos enfants, d’autre part parce qu’elles ont vocation à être transmises au Premier Ministre pour lui faire entendre notre voix.
Pour que ces résolutions soient préparées avec efficacité, et pour faciliter la recherche de consensus, sur une proposition de Victorin LUREL, avait été institué une commission mixte, chargée de préparer sereinement nos travaux.
Pour des sujets de cette importance, faut-il accepter de travailler dans des conditions qui seraient illégales pour le moins du conseil municipal, voire pour l’assemblée générale d’une association ?
Pour l’avenir, la procédure doit être inversée. Le Congrès ne doit être convoqué que si la commission mixte a constaté un consensus sur un projet bien préparé, bien analysé, bien expertisé. Sinon, ces réunions du Congrès seront pire que stériles, contreproductives, et creuseront un fossé entre les Guadeloupéens et leurs élus.
***
Et, s’agissant des compétences de nos collectivités, il faut se garder de formuler hâtivement des propositions de changement sans en avoir mesuré très soigneusement les conséquences.
Et il ne faut pas donner aux institutions des vertus qu’elles n’ont pas.
Elles ne suffisent pas à créer des emplois.
Elles ne créent pas, comme par magie, les conditions favorables au développement.
Elles ne prémunissent en rien contre la vie chère comme l’illustrent la Polynésie ou la Nouvelle-Calédonie qui sont les territoires les plus autonomes de la République et où les prix sont pourtant les plus élevés.
Evidemment, en période de crise les Guadeloupéens estiment qu’il faudrait plus d’emplois, une meilleure santé et plus de pouvoir d’achat. Ils partagent en cela des attentes que l’on recueillerait certainement à l’identique dans d’autres régions de France… sans pour autant que l’on en déduise qu’il faut réformer les institutions et revoir la répartition de leurs compétences.
Que dans les régions d’outre-mer, il faille adapter certains textes, certaines lois ou réglementation, c’est normal. Ce n’est pas une découverte. D’ailleurs cela se fait tous les jours. Le ministre des Outre-mer y veille avec ses services.
Qu’il soit préférable que ces adaptations soient décidées localement, c’est parfois vrai. Je note d’ailleurs à cet égard que la Région Guadeloupe est la seule collectivité d’outre-mer à avoir tiré partie de cette possibilité.
Je considère aussi qu’il faut mesurer, avant toute demande d’habilitation, ce que sa mise en œuvre va coûter à la collectivité.
Je pense aussi qu’il faut se garder de fabriquer ou d’inventer des problèmes là où il n’y en a pas.
Le législateur a plutôt bien fait les choses. La répartition des compétences entre la Région et le Département est plutôt claire, contrairement à ce qui est souvent dit sans être trop étayé. Lorsque, rarement, il y a risque de chevauchement et bien dans le cadre de la synergie, on le gère. Sans qu’il soit nécessaire de tout bouleverser.
En réalité, ces problèmes de chevauchement de compétences sont souvent inventés à dessein par ceux qui veulent démontrer que les institutions ne sont pas adaptées. Et une fois que les institutions auront évolué, les mêmes prétendront très vite que si cela ne va toujours pas c’est parce que le statut, cette fois, n’est pas adapté. Et qu’il faut passer à l’article 74.
De plus, on ne peut prétendre vouloir rester dans le cadre de l’article 73 pour rassurer les Guadeloupéens, respecter en cela les décisions prises unanimement par les élus au Congrès du 27 décembre 2010, et proposer dans le même temps une telle réorganisation par blocs de compétences qui ferait à l’évidence sortir la Guadeloupe de ce cadre.
Je le redis : il faut être honnête avec les Guadeloupéens.
A supposer même que cet exercice de création de blocs de compétences n’excède pas le cadre de l’article 73, a-t-on bien mesuré le risque qu’il y aurait à se lancer dans une telle réorganisation administrative qui mobiliserait nos services et notre énergie pendant plusieurs années.
Sans vouloir faire offense à nos amis de Guyane et de Martinique, je préfère être au travail sur les fronts de l’emploi, de la jeunesse et du développement économique, plutôt que de passer tout mon temps à régler des problèmes que j’aurai moi-même créés.
Les réponses aux difficultés des Guadeloupéens sont entre nos mains. Elles doivent être pragmatiques et proportionnées aux vrais problèmes.
Il faut des adaptations quand c’est nécessaire. Proposons-les au fil de l’eau, au fil des textes. Les gouvernements en place, quels qu’ils soient, ne les rejetterons pas.
Et s’il faut quelques habilitations quand nous sommes certains de pouvoir mieux faire que les services de l’Etat et que ce ne sera pas trop coûteux , demandons-les !
S’il faut aussi quelques transferts de compétences, formulons-en la demande à l’occasion de l’acte III de la décentralisation…
Nous avons perdu beaucoup de temps pour pouvoir faire des propositions dès le stade du projet. Nous pourrons introduire le cas échéant quelques amendements au cours du débat parlementaire après avoir pris le temps de la réflexion. Ou encore solliciter plus tard l’élaboration de textes spécifiques, nous ne sommes pas pressés.
C’est pourquoi j’ai décidé, s’agissant de la Région Guadeloupe, de solliciter des experts pour nous accompagner dans cette réflexion : Georges Calixte et François Garde.
Et nous avons initié ce travail d’identification et d’évaluation des transferts de compétences que nous pourrions demander. Ce travail n’est pas totalement abouti, car l’évaluation de ces transferts doit être minutieuse afin de ne pas nous mettre en difficulté.
Je vous livre donc quelques pistes, que je suis en train d’approfondir en ce moment. Elles n’auront évidemment pas toutes vocation à faire l’objet d’une demande de transfert de compétence ou d’habilitation, mais j’ai souhaité vous faire part de l’état actuel de mes travaux et de ma réflexion.
Je vous propose de réfléchir aux demandes sue nous pourrions formuler dans le cadre de l’Acte III de la décentralisation.
Nous pourrions envisager de demander que l’Etat transfert à la Région Guadeloupe les compétences suivantes :
– La protection des monuments historiques et des patrimoines immatériels, afin que notre patrimoine culturel soit reconnu localement et donc mieux protégé,
– L’association à l’adaptation des programmes scolaires afin que nos écoles enseignent à nos enfants notre histoire, notre culture, notre géographie, notre musique,
– L’octroi des déductions et dégrèvements en matière d’octroi de mer, afin que nous ayons une meilleure maitrise de nos ressources,
– Le transport maritime inter-îles, afin que les iles du sud puissent enfin bénéficier d’une véritable continuité territoriale,
– Le contrôle de l’installation et du fonctionnement des casinos, cercles, jeux de hasard et loteries, afin de maitriser localement l’implantation de ces établissement,
– etc….
Nous pourrions aussi envisager de demander une habilitation afin que l’exécutif régional représente l’Etat dans toutes les réunions des organisations non politiques de la Caraïbe.
Nous pourrions également demander le transfert de la propriété du domaine public maritime, dans la zone des trois cent mètres, afin que nous ayons la pleine maitrise de notre littoral.
Nous devrions bien sûr clarifier les compétences relatives à la culture et au sport entre les deux collectivités départementale et régionale.
Vous voyez, je ne me suis fermée aucune piste, j’envisage tout ce qui pourrait faire avancer la Guadeloupe. Et évidemment lorsque notre étude sera terminée, nous aurons une liste définitive des demandes que nous formulerons afin d’amender l’Acte de III de la décentralisation.
***
Enfin, chers collègues, s’agissant de la question de la consultation de la population guadeloupéenne sur l’avenir institutionnel de la Guadeloupe, notre position est limpide : Respecter la volonté du peuple guadeloupéen. Aussi à la veille des travaux préparatoires à notre précédent Congrès, la collectivité régionale a tenu à arrêter une position claire, une position qui n’entraîne aucune confusion sur ses intentions.
Avant tout débat, nous avons tenu à montrer notre volonté absolue de rester, en totale concordance avec le mandat que la population nous a donné, et à adopter une position qui ne trahisse pas les engagements que nous avons formulés devant la population, lors de l’élection régionale de 2010. Nous savons, chers collègues, que le peuple qui nous a porté à la tête de la collectivité régionale, ne nous a jamais donné mandat pour sur-interpréter ses aspirations et sa volonté. Aussi la position de la collectivité régionale a toujours été, est et restera toujours aussi proche que possible de la volonté des Guadeloupéens.
Oui, je vous le dis : les questions institutionnelle et statutaire sont des questions extrêmement sérieuses.
Il s’agit purement et simplement de notre avenir commun au sein de la République, de l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants, de l’avenir de notre territoire, de l’avenir notre pays pour lequel nous œuvrons chaque jour afin que chaque Guadeloupéen ait les moyens de donner vie à ses projets…
Chers collègues, les décisions qui seront éventuellement prises en la matière pourront avoir un impact très fort et très direct sur la vie de nos concitoyens. Nous devons en être conscients. C’est à cela que nous devons penser et non à la satisfaction de nos petits égo d’élus en quête de pouvoirs supplémentaires…
Nous ne devons pas faire de la question institutionnelle un enjeu de pouvoir, ou un objet d’instrumentation politicien. Seul doit nous guider l’intérêt des Guadeloupéens, seule doit nous guider notre volonté d’apporter les solutions les plus adaptées, les mieux étudiées pour intensifier le développement de notre territoire.
Nous devons faire preuve de courage, de responsabilité, mais aussi de prudence et de vigilance.
Oui, le courage d’assumer que la Guadeloupe peut se déterminer librement au sujet de son avenir institutionnel, sans subir les choix de ses voisins martiniquais et guyanais.
Le courage d’assumer que nous avons pris le temps de la réflexion, de la concertation afin précisément de ne pas nous lancer dans une course folle vers une évolution institutionnelle dont nous ne maitriserions ni les tenants, ni les aboutissants.
Car en réalité, la question de la consultation populaire est en soi une fausse problématique. Je suis une démocrate, et évidemment si la population guadeloupéenne devait être consultée, je respecterais ses choix. Cela va de soit. Mais est-ce la priorité ? Notre population qui a déjà exprimé son choix en 2003 et qui, depuis a toujours porté aux responsabilités ceux qui privilégiaient le travail en faveur de l’emploi, du développement, de la jeunesse, nous demande-t-elle l’organisation d’une nouvelle consultation, encore sur le même sujet ? Je n’entends guère cette demande que dans les cercles fermés …
J’aurais souhaité que nous nous présentions face à la population en toute responsabilité. Car la véritable question est là : prendre nos responsabilités face à des questions aussi importantes pour la Guadeloupe. C’est pour cela que nous devons faire preuve de vigilance et de prudence.
Certains parlent de l’évolution institutionnelle comme d’un processus naturel, inéluctable, allant dans le sens de la marche de l’histoire. Une telle posture revient à nier le cas de Mayotte qui a choisi le processus inverse en sortant du statut d’autonomie de l’article 74 afin de revenir au droit commun. Chaque territoire, selon son histoire, ses besoins, ses priorités, doit pouvoir choisir en son âme et conscience ce qui est le mieux pour lui, sans avoir à subir l’oppression d’une pensée unique idéologisée et irrationnelle.
D’autre présentent cette évolution institutionnelle comme une fin en soi : pour eux, évoluer c’est toujours mieux, en somme. C’est mieux que quoi ? Que de travailler à donner des solutions aux jeunes ? Que de travailler à créer des entreprises ? Que de travailler à sauvegarder l’environnement ? Que de travailler à créer des emplois ? Je ne le crois pas ! Ceux-là ont-ils véritablement évalué toutes les conséquences de cette évolution ? L’ont-il pensé ? L’ont-il déduit d’un projet pour la Guadeloupe ? Nous entendons beaucoup de propositions d’évolutions institutionnelles ou statutaires lancées dans nos média comme des leitmotiv, sans que personne ne puisse définir précisément à la population ce qui est demandé.
Alors, je vous réclame, aujourd’hui, chers collègues, lors du débat sur la question de l’évolution institutionnelle : de la clarté et de la responsabilité. Je crois que nous le devons à notre population. Nous aurons répondre à ces trois questions : Quels sont les choix possibles qui s’offrent à la Guadeloupe ? Quelles en sont leurs conséquences ? et quelle est, en toute objectivité, la meilleure option pour notre pays ?
Or, depuis que le IXe Congrès des élus régionaux et départementaux du 28/12/2010 a écarté l’option de l’autonomie et de la spécialité législative de l’article 74 de la Constitution, la question des choix institutionnels envisageables s’inscrit au sein des possibilités offertes par l’article 73.
A ce jour trois options possibles dans le cadre de l’article 73 sont mises en débat : l’assemblée unique, la collectivité unique et le maintien des deux collectivités régionale et départementale.
La solution de l’assemblée unique correspond au maintien des deux collectivités, régionale et départementale. Mais leur administration serait confiée à une seule assemblée d’élus qui délibérerait alternativement en conseil régional ou en conseil général. Cette option concentre, à mon avis, les inconvénients d’une complexification du fonctionnement des deux collectivités, sans pour autant permettre de faire des économies de fonctionnement. Elle avait pu être, un temps envisagée, à un moment où le Gouvernement nous proposait des solutions pire encore !
Les partisans de cette solution nous proposent exactement la même option institutionnelle, à savoir « le projet de création, en Guadeloupe, d’une collectivité territoriale demeurant régie par l’article 73 de la Constitution, (…), et se substituant au département et à la région dans les conditions prévues par cet article ». Et là je me suis simplement contentée de citer les termes de la question de la consultation du 7 décembre 2003, à laquelle la population guadeloupéenne avait répondu NON à 72,98%.
C’est l’option retenue, pour tous les autres, par 15% des Guyanais et 24% des Martiniquais ! Je ne suis vraiment pas certaine que la Guadeloupe soit obligée de suivre cet exemple !
10 ans se sont passés depuis la consultation de 2003, une crise économique a depuis fait des dégâts à travers le monde entier et en Guadeloupe aussi, une crise sociale en 2009 a fait réfléchir les Guadeloupéens sur les véritables intentions des partisans de ces bouleversements statutaire et institutionnels à tous crins. Depuis les Guadeloupéens ont toujours fait le choix de porter aux responsabilités les tenants de la stabilité et du travail, et d’approuver massivement à chaque échéance électorale d’envergure régionale les élus qui avaient pour projet de demeurer dans le droit commun, tout en prenant évidemment les initiatives adéquates pour l’adapter lorsque cela est nécessaire. Je pense notamment aux habilitations « énergie » et « formation professionnelle » que la collectivité régionale a demandées, obtenues et mises en place avec des résultats très concluants pour nos concitoyens.
Cher collègues, cette même collectivité unique, que l’on nous ressort des tiroirs, et dont on vous vante avec ferveur les mérites pourrait n’ être qu’une évolution purement organisationnelle et en aucune façon une évolution politique. Il pourrait s’agir d’une fusion entre le département et la région, rien de plus, rien de moins.
On vous dit que le temps de la responsabilité est venu et que cette collectivité nous donnera les moyens de plus d’obtenir plus de responsabilités. FAUX, fusionner le département et la région n’apporte pas de compétences supplémentaires.
On vous dit que cette collectivité constitue le seul moyen de clarifier les compétences de chacun et d’empêcher les chevauchements de compétences. FAUX, car d’une part ces fameux chevauchements sont très rares et un peu de bonne volonté et de travail en synergie a toujours permis de trouver les ajustements nécessaires sans qu’il soit utile de bouleverser les institutions.
L’acte III de la décentralisation a prévu de les clarifier entre toutes les collectivités en incluant les municipalités et les intercommunalités. L’acte III de la décentralisation va même plus loin que les possibilités de la collectivité unique, car elle propose un organe de concertation entre l’ensemble des collectivités régionale, départementale, communales, et les intercommunalités afin que, sur place, chaque territoire décide quelle collectivité est la plus à même de mener à bien telle ou telle politique publique.
On vous dit que cette collectivité unique nous permettra de faire des économies de fonctionnement en élimant les doublons. Encore FAUX, car pour parler d’économies de fonctionnement encore faut-il savoir si nous partons sur la même base de dotations. Pour être claire, oui nous pourrions peut-être éliminer quelques doublons, mais le volume des dossiers à traiter ne se réduira pas. Cette réduction de notre masse salariale possible en théorie et forcément très modeste sera plus difficile à mettre en œuvre qu’en Martinique et en Guyane car nous avons fait, depuis longtemps, l’effort de titulariser nos agents. Et les non-titulaires qui subsistent seraient donc renvoyés pour cause de collectivité unique, et iraient grossir les rangs, à mon sens, bien trop garnis, de nos chômeurs.
La réalité, chers collègues, c’est que les partisans de la collectivité unique ne nous disent pas que rien ne nous garantit que l’Etat maintiendra à long terme le montant des dotations qu’il dévolue à nos deux collectivités.
Ce que ne vous disent pas les partisans de la collectivité unique c’est qu’il est actuellement prouvé que la mise en place d’une collectivité unique s’accompagne de plusieurs années d’immobilisme, car les énergies des élus et des administratifs seront absorbées par toutes les conséquences administratives et politiques de la fusion des deux collectivités. Demander le à nos voisins ! Je ne suis pas certaine que la Guadeloupe qui attire aujourd’hui davantage les investisseurs et les touristes que les îles qui ont fait le choix de consacrer leur énergie à ces affaires institutionnelles, soit obligée de revenir en arrière simplement pour copier sur ses voisins !
Ce qu’ils ne vous disent pas c’est que la mise en place de la collectivité unique va se superposer à la mise en place l’acte III de la décentralisation et que les bouleversements administratifs et politiques que seront induits par ces deux réformes risquent de nous mettre en grande difficulté. A chaque jour suffit sa peine !
Ce qu’ils ne vous disent pas c’est qu’il est prouvé que l’instabilité institutionnelle provoquée par la mise en place de la collectivité unique fait fuir les investisseurs et s’avère donc préjudiciable au développement économique.
Alors à court d’arguments, on vous assène le dernier sondage.
Enfin et surtout ! Ce qu’ils ne vous disent pas c’est que derrière cette collectivité unique qui se voudrait un simple aménagement administratif se cache en réalité un vrai dessein politique !
Regardez en Martinique ! La création de la collectivité unique a été l’occasion de créer un gouvernement ! Et oui, rien d’autre qu’un gouvernement ! Un exécutif distinct du président de l’assemblée ! Les autonomistes et les indépendantistes n’ont certes pas réussi à imposer le franchissement de leur première étape, l’article 74 ou l’autonomie que la population a refusée mais ils ont imposé, sans consulter la population et à son insu, la création d’un gouvernement qui ne porte pas encore son nom, c’est vrai, mais je fais le pari que dans les prochaines années viendra la revendication d’élus pour que les membres de ce gouvernement portent le titre de ministre ! C’est tellement plus chic quand on va rendre visite aux micro-Etats voisins !
Et en Guyane où pour l’instant l’exécutif reste plus sagement le président de l’assemblée… qui demande aujourd’hui la création d’un exécutif distinct à l’image de la Martinique ? D’un gouvernement en somme ? Les autonomistes et les indépendantistes ! Ne nous y trompons pas, derrière cette réforme présentée comme un ajustement ou comme une simple rationalisation administrative, se cache un autre projet que l’on ne vous dévoile pas ! J’appelle donc à la plus grande vigilance. Quant à moi, la Guadeloupe ne court aucun risque, je n’ai jamais souhaité être la présidente de la République de Guadeloupe ni être ministre .
Depuis 2004, tranquilles dans la République française, nous travaillons et nous nous ne cherchons pas sans cesse à justifier nos difficultés par l’inadaptation des structures, du statut ou des institutions ! Restons au travail ! Ne perdons pas notre temps à ces éternelles introspections institutionnalo-statutaires ! Ne nous laissons pas aveugler, nous élus, par les mirages des titres et des honneurs de pacotille !
Restons donc dans le choix du maintien de nos deux collectivités, le choix du droit commun, qui lui-même va être sensiblement amélioré par l’application de l’acte III de la décentralisation. De nouvelles compétences vont nous être dévolues. Nos services devront être renforcés pour faire face à ces nouvelles responsabilités. Nous-mêmes, nous nous positionnerons comme force de proposition pour apporter des amendements afin de mieux adapter ces transferts à nos priorités. Je vous ai d’ailleurs déjà fait l’exposé de nos pistes de réflexions à ce sujet.
Le droit commun renforcé par l’acte III de la décentralisation nous permettra de clarifier si nécessaire les compétences entre toutes les collectivités, de récupérer de nouvelles compétences plus adaptées à nos besoins, de garantir les dotations de l’Etat en toutes circonstances.
Alors, au regard de tout cela, je pense qu’il est temps de se dire les choses. Je vous le demande donc, quelle urgence pousse certains d’entre nous à réclamer une consultation populaire en vue d’une évolution institutionnelle, sans qu’elle soit adossée à une proposition concrète ?
Comment oserions-nous nous reconnaître que le Projet Guadeloupéen de Société qui n’est pas encore élaboré, comment reconnaître que nous n’en n’avons pas encore déduit le projet institutionnel sur lequel se fonderait une éventuelle demande d’évolution de nos institutions, tout en exigeant une demande de consultation sur cette question détachée de tout projet ?
Comment pourrions-nous voter d’un côté la poursuite du Projet Guadeloupéen de Société -je fais bien entendu allusion à la résolution n°1-, et d’un autre côté en faire fi pour voter une demande précipitée d’une consultation d’évolution institutionnelle.
Et enfin comment pourrions-nous, aujourd’hui, dans la hâte d’un Congrès – disons-le- organisé dans des délais très courts, fixer dans le marbre de la résolution n°2, des demandes de transferts de compétences sans que ces transferts n’aient, à ce jour, fait l’objet d’études précises et d’évaluations minutieuses ?
Chers collègues, chers compatriotes, chers invités, je crois que nous ne devons pas trahir la confiance de nos concitoyens. Nous avons la lourde charge de penser la Guadeloupe de demain, tout en administrant la Guadeloupe d’aujourd’hui. Ce sont de lourdes responsabilités. Soyons donc ambitieux pour la Guadeloupe, soyons optimistes face à l’avenir, soyons combatifs face à l’adversité, mais avant tout soyons exigeants et vigilants dans ce que nous mettons en œuvre pour le devenir de nos enfants.
Aujourd’hui, le choix que nous faisons, que nous avons à faire aujourd’hui est simple : c’est du bon sens, le choix de la préservation des intérêts de la Guadeloupe, le choix de la sagesse, en somme, un choix.
Je vous remercie de m’avoir prêté attention.