Monsieur le 1er vice président du conseil régional
Messieurs les sénateurs, cher Félix, cher Jacques
Mesdames et messieurs les élus municipaux, généraux et régionaux
Mesdames et messieurs
Je voudrais tout d’abord vous remercier d’avoir répondu à l’invitation au débat que nous vous avons lancée avec les sénateurs DESPLAN et CORNANO en partenariat avec la Région et le Département, dans le cadre de ces rencontres départementales.
Des rencontres qui se veulent résolument un espace d’échange en toute liberté sur des enjeux particulièrement importants pour l’avenir de nos collectivités et de nos territoires dans le contexte de la réforme territoriale initiée au niveau national.
Comme vous le savez, le président de la république François HOLLANDE s’était engagé sur cette réforme et en avait fixé les objectifs dans son discours de Dijon que je cite :
« ,… nos territoires sont des lieux de démocratie , d’énergie , de vitalité, de croissance .(…)Au moment où il faut redresser la France, où il faut chercher, des gisements pour l’investissement, pour la formation , pour l’innovation , c’est sur les territoires que nous les trouverons.. »
Les premières concertations intervenues à l’initiative du Sénat et du Gouvernement, comme les premières orientations mises sur la table par les principaux acteurs et associations d’élus, mettent en perspective une France décentralisée, et un Etat réformé, recentré sur ses compétences régaliennes.
Pour faire court, on va vers une France des régions disposant de compétences, de moyens et de pouvoirs y compris normatifs pour décider et agir en responsabilité.
En clair, face à la mondialisation, et face à la crise,
Face à l’échec des politiques publiques sur des questions aussi essentielles que le chômage, la pauvreté, les services publics, l’égalité des chances ou la compétitivité des entreprises et des territoires,
Il s’agit de donner aux collectivités les moyens de la responsabilité pour inventer et expérimenter de nouveaux chemins là où on a jusqu’ici échoué, mais sûrement pas tout essayé.
L’acte 3 de la décentralisation apparait ainsi comme le moyen de changer la donne en renforçant la lisibilité et l’efficacité de nos politiques publiques.
L’idée de départ qui semble maintenant largement partagée, est que ce qui menace la République et qui la mine, c’est d’abord l’éloignement des lieux de décision, c’est la concentration parisienne, c’est l’impression que l’avis des territoires et la vie des citoyens ne sont plus pris en compte, c’est l’impression d’un Etat dispersé, faible et impuissant.
Le décor étant planté et les objectifs précisés la question pour nous est de savoir comment tout cela va se traduire concrètement dans le projet de loi que le Sénat est appelé à examiner en première lecture d’ici au mois novembre.
A ce titre, je voudrais ici m’arrêter sur les principales orientations de la future réforme et les livrer à votre réflexion :
• Tout d’abord le transfert des compétences et la réforme de l’Etat puisque toutes les compétences opérationnelles, sans exception seraient transférées aux territoires avec le pouvoir d’agir et de décider
L’Etat se verrait ainsi recentré sur ses missions régaliennes (Education, justice, égalité, sécurité, évaluation des politiques publiques, armée, politique étrangère…) et serait conforté dans sa mission de garant du cadre normatif national et de l’équité territoriale.
Ses relations avec les collectivités s’inscriraient dans le cadre d’un pacte de confiance fixant clairement et durablement les règles du jeu, notamment en matière financières et fiscales.
Les collectivités partageraient en outre avec l’Etat une part du pouvoir réglementaire de telle sorte qu’elles puissent adapter les normes aux réalités territoriales.
La question d’une autonomie réelle des territoires, comparable à ce que font l’Allemagne, l’Italie, et l’Espagne est ainsi clairement mise en perspective.
Le droit commun de la République permettrait ainsi de disposer de pouvoirs au plan local, plus importants que ceux de la collectivité de Martinique, proches de ceux reconnus aux collectivités relevant de la catégorie des territoires dans la constitution.
Si ces orientations étaient confirmées, elles bouleverseraient complètement le paysage institutionnel de la France.
Et la question des moyens humains et financiers des collectivités pour assumer leur nouveau rôle se trouverait là posée dans toute sa vérité.
L’expérimentation faite par la Région Guadeloupe dans le domaine de l’énergie, qui désormais fait référence, montre en effet, que l’exercice du pouvoir normatif exige des moyens, humains notamment, dont les collectivités ne disposent pas, et dont le renforcement a un coût.
En même temps il convient de prendre en compte l’efficacité indéniable qui résulte de la capacité du local à adapter les normes à ses réalités pour éviter la paralysie.
Vous l’aurez compris mes chers collègues, ces orientations qui tendent à renforcer l’autonomie des territoires sont évidement à rapprocher des grandes lignes du Projet Guadeloupéen de Société en cours d’élaboration et sur lequel le congrès des élus départementaux et régionaux devra se prononcer avant la fin de l’année.
Et la question cruciale qui s’impose désormais à nous est on ne peut plus claire : jusqu’où voulons nous la décentralisation ? Avec quels moyens et Comment ?
Deuxième questionnement qui recoupe l’enjeu de nos débats mes chers collègues : Quelle perspective s’ouvre aux différents niveaux de collectivités ?
Avec le maintien des Départements comme collectivité de proximité, la France conserverait trois niveaux de collectivités qui se verraient attribués des compétences par grands blocs.
Principales bénéficiaires des nouveaux transferts, les régions seraient notamment confortées comme collectivité du futur et du développement économique.
Les départements seraient maintenus comme échelon de proximité chargé de la solidarité, ses conseillers seraient élus par binômes pour garantir la parité dans des cantons dont le nombre serait divisé par deux.
Les EPCI quant à eux seraient maintenus comme outils d’intervention contrôlés par les communes, sans pouvoir se transformer en collectivité.
Et afin de garantir la cohérence de l’action des 3 niveaux de collectivité précités serait créée une instance territoriale regroupant l’ensemble des collectivités.
Enfin, et cela nous concerne au premier chef, je voudrais souligner que la réforme ouvrirait la porte à la prise en compte de la différence puisque les compétences, les pouvoirs délégués, l’organisation territoriale, pourraient en effet, être différents d’une collectivité à l’autre et consacrés par la loi, l’expérimentation devenant par ailleurs la règle.
Voila donc, mes chers collègues sur les principaux enjeux de la réforme en débat au niveau national.
En dehors du parti pris qui peut être discuté, cette réforme appelle évidement de nombreuses questions concrètes parmi lesquelles celles des ressources, des moyens humains, financier et fiscaux, et bien sûr celle de l’intercommunalité.
Mais aussi quelle péréquation ?
Quelle étendue du pouvoir normatif ?
Quelle marge et quelle pertinence pour la différence ?
Telles sont, pêle-mêle, les questions sur lesquelles nous avons à exprimer nos préoccupations voire nos propositions de manière à ce que le projet de loi qui viendra à l’examen du Sénat d’ici le mois de novembre, les prennent en compte et à tout le moins ménage nos intérêts.
Tels sont les enjeux qui conditionnent la volonté que nous avons exprimée de marquer notre singularité dans la République à travers l’élaboration du projet guadeloupéen de société qui est de la compétence du congrès des élus.
L’environnement juridique du projet guadeloupéen de société devant en tout état de cause être impacté par la réforme territoriale en cours, il s’agit aussi de prendre la mesure des changements à venir.
Il s’agit de situer notre démarche dans le futur nouvel environnement juridique et institutionnel de la France, d’en tirer les enseignements utiles en termes de contenu et de méthode pour avancer en toute clairvoyance, et surtout en toute responsabilité.
Voilà l’esprit des Etats généraux de la démocratie territoriale initiés par le Sénat, voila le sens de notre rencontre d’aujourd’hui.
C’est désormais à vous, mes chers collègues, de prendre la parole !