Devrait-on accorder tant d’importance aux primaires quand nous constatons que 91% des Français n’y ont pas participé, ni exprimé de choix au cours de ces deux dimanches des primaires de la droite et du centre ? La question est légitime car en réalité les primaires imposent aux citoyens des candidats issus du sérail, du parti. Les électeurs, après les primaires des écologistes et celles de la droite et du centre, seront-ils plus nombreux à s’exprimer en janvier lors des primaires de gauche ? Que dire donc, quand avec un tel déficit de participation, certains médias accréditent déjà Fillon comme vainqueur des présidentielles ? Là aussi la question devient légitime. Les Primaires sont-elles une supercherie antidémocratique ? Dans cette démocratie respectueuse que nous appelons à l’UJMG de nos vœux, il est temps de regarder chaque homme toujours comme une fin et jamais comme un moyen. Le monde, c’est vrai est devenu comparable à un asile de fous. Plus on monte dans les étages, plus on trouve de fous, les directeurs étant au sommet de l’immeuble !
E que dire quand ceux-là mêmes qui se présentent sont recrutés dans la même polyarchie. Simplissime stratégie : se porter candidat coûte que coûte même en sachant n’avoir aucune chance de gagner, ni même de figurer dans le trio de tête. Investissement magique où l’on gagne à tous les coups, en image, en notoriété, en crédibilité. Car on pose pour l’avenir des jalons qui pourraient permettre de négocier un portefeuille ministériel en cas de victoire. On l’a vu à droite avec Jean-Frédéric Poisson, mais aussi Bruno Lemaire, Jean François Coppé ou NKM ! A Gauche c’est le même topo. Et cela risque d’être encore plus pathétique avec la présence possible, du président sortant ou de son premier ministre. Du jamais vu. Rivalisant avec la droite, la gauche française est en train de devenir la gauche la plus bête du monde.
Mais que dire chez nous, de l’hystérie d’individus souvent sans envergure ou des has been, plus soucieux de se placer que de proposer de réelles solutions aux problèmes de la Guadeloupe ? Il faut s’interroger ici sur l’affirmation d’Amédée Adélaïde (un autre champion du soutien, en occurrence celui de Fillon) s’exprimant dans l’émission de Danick Zandronis (de plus en plus regardée et faisant autorité). “La droite chez nous n’existe pas. LMC l’a tuée. Carabin l’a enterrée”.
Plus inquiétant encore. Les Primaires de droite comme de gauche ne sont-elles pas d’abord un bon moyen d’obtenir gratuitement des centaines d’heures de télé ou de radio. C’est le syndrome Trump qui en trois mois a passé 830 heures sur les grandes chaînes télé contre 410h à Hillary CLINTON, tant il était un bon client pour l’audimat. Les primaires, on l’a bien compris, sont un nouveau procédé, bon marché, de communication des partis pour occuper la scène médiatique. Ce jeu politicien pose un problème à nos médias qui cachent la grande misère des partis, incapables de désigner un chef par des procédures en interne. D’autant qu’il y a de fait une vraie discrimination avec les candidats qui ne passent pas par le filtre des primaires. Rappelons tout de même que « les présidentielles sont la rencontre d’un homme et d’un peuple » selon la bonne formule du Général de Gaulle. Les partis qui ont fait main basse sur cette élection, pour masquer la crise du militantisme, organisent des primaires dites « ouvertes ». Certains médias et non des moindres, en jouant ce jeu pervers, n’œuvrent-ils pas, en fait, contre l’information, contre les institutions, contre la démocratie. Cette mécanique pré-élective est analysée : « Comme une arme de guerre, un bombardement incessant de la presse qui, pour l’essentiel, appartiennent à quelques capitaines d’industrie propriétaires de 90% des mass-médias en France.
Pour le politologue Rémi Lefebvre la généralisation des primaires ouvertes scelle moins une avancée de la démocratie que la déroute des partis. Pourquoi les primaires ouvertes sont-elles devenues à ce point centrales dans le système politique français ? Pour Rémi Lefebvre, il y a trois séries de facteurs. Tout d’abord, les primaires constituent bien davantage un moyen de régler les problèmes des partis que d’en démocratiser la sélection. En effet, combien d’ouvriers, de paysans, de petits fonctionnaires, de salariés, de jeunes, peuvent
prétendre à la candidature ? Comme on le constate, il s’agit plus d’une affaire d’élites, de sérail, d’oligarchie, et de partis que d’une affaire démocratique. Cette inquiétude sur la sociologie des candidats est amplifiée par l’archétype des électeurs. 62% des votants à la primaire ont plus de 50 ans contre 6% de moins de 25 ans. 43% sont des retraités et 32% des cadres supérieurs. Pas étonnant dès lors que le programme conservateur de Fillon ait fait un tabac.
Il faut en venir ici à la responsabilité de certains médias. Des médias dit-on, à la botte des officines de communication.
Après les déconvenues des sondages et des médias depuis le Brexit, puis de Trump, maintenant de Fillon, il serait pourtant si simple de revenir à l’information et non plus se complaire dans le renforcement des messages téléguidés d’officines de communicants spécialisés tant dans le marketing politique que dans le lobbying économique. Que dire en particulier des médias du service public qui déploient tant de moyens (plateaux, heures d’antenne, etc.) pour une élection interne de partis politiques (même si le vote est ouvert au tout venant) ?
A Madagascar, lors d’un atelier dirigé par Wallès KOTRA sur les médias d’Etat, c’est avec raison que le président de l’UJMG, DURIZOT Jocelyn, a fait remarquer qu’il préférait le terme de médias de la redevance, de médias citoyens, à celui de médias d’Etat !
Il faut donner parfois du temps au temps ! A l’analyse, on ne sait presque rien sur les primaires (pas assez de recul) et il reste difficile d’en tirer aujourd’hui tous les enseignements. Citons de nouveau Churchill. « Les seuls sondages que je crois, ce sont ceux que j’ai moi-même fabriqué». L’inconsistance du corps électoral des primaires rendant aléatoire les résultats des sondages. On risque donc encore de se « Trumpé » comme nous titrions en couverture après la défaite non programmée d’Hilary Clinton.
RJC