Trois semaines après le passage du cyclone Maria sur la Guadeloupe, l’heure n’est plus aux pleurs et aux lamentations. Et encore moins à la polémique. Il faut promptement se projeter dans l’avenir. Se retrousser les manches comme cela a été fait dans de nombreux quartiers où les habitants ont pris en charge le nettoyage de leur environnement immédiat. Ces réactions positives, car responsables sont à saluer.
Elles démontrent que quelles que soient les mesures de secours mise en place par l’Etat, il y a l’urgence dictant l’urgence. Car dans l’attente des mesures étatiques et les logistiques lourdes, la population dans les premières heures qui suivent le passage d’un cyclone — mais c’est encore plus vrai s’il s’agit d’un tremblement de terre — ne peut et ne doit compter que sur elle-même. Et savoir anticiper le chaos cela se prépare. C’est la grande leçon que nous devons tous collectivement tirer de ces deux catastrophes Irma et Maria.
La seconde leçon est celle de la responsabilité. A cause des dysfonctionnements, des bégaiements, des politiques pour l’Outremer qui demeure l’enfant malade de la République, la confiance qui rassure doit supplanter la défiance qui sème le doute et le désarroi. La parole de l’Etat est de moins en moins crédible. alors que l’on attend de plus en plus de ses services. L’Etat doit donc retrouver sa place au yeux des Guadeloupéens.
Un Etat fort nous oppresse mais un Etat faible nous fragilise. Cependant aussi volontaire que peut être l’aide de l’Etat, elle ne saurait soustraire nos concitoyens de leur propre responsabilité et leur engagement envers leur famille et leur pays, et du bien vivre ensemble. Cela relève de l’estime de soi. De l’intelligence collective pour réussir ensemble. Et de ce désir de verticalité pour une ambition autre pour le pays de Guadeloupe.
A ce titre, le défi que nous propose le gouvernement français à travers les Assises de l’Outremer, est symptomatique. Ces assises, doivent-elles être, une grand-messe de plus où l’on verra affluer des demandes corporatistes quelques fois farfelues voire irréalisables ? Ces idées, ces projets, ces solutions innovantes que l’on sollicite du citoyen lambda ne risquent-ils pas d’être confisqués uniquement par des “sachants” et la bureaucratie, après un filtre “subtil”, des services ministériels ? En outre, l’on sait bien qu’il y a un monde entre ce qui restera au terme du processus et ce qui sera effectivement mis en œuvre avec les moyens financiers disponibles. D’autant que la vision qui perdure à la rue Oudinot et à Matignon mais aussi dans tout l’hexagone est que l’outremer constitue avec ses querelles intestines, de piètres gestionnaires, un fourre-tout d’irresponsables, d’éternels quémandeurs voire de “danseuses”.
Il faut revoir cette sémantique de l’outre mer avec une conception globalisante et uniforme des problématiques et attentes de territoires n’ayant pas les mêmes réalités. En effet, que de différences entre le continent Amazonien Guyanais et l’île volcanique de la Réunion dans l’Océan indien ? Comment concevoir le développement de l’archipel Guadeloupéen avec sa double insularité concomitamment de celui de Mayotte avec ses coutumes ou sa tradition musulmane, sans se soucier de résultats durables et efficaces ? Car après la contestation de 2009 en Guadeloupe, après le conflit Guyanais en pleine campagne présidentielle de 2017, aucune réponse concrète ne semble venir changer la donne. Sinon quelques vagues promesses sans lendemain. Et ce n’est pas la loi sur l’égalité réelle qui a prolongé de dix ans le temps du rattrapage économique, qui pourrait satisfaire nos légitimes attentes. Aucun de ces territoires ultramarins n’a les mêmes priorités. Aucun n’a les mêmes retards de développement. La Guadeloupe n’est pas la Martinique qui est pourtant le territoire le plus proche de nous dans tous les sens du terme. De la même façon nous n’avons aucune leçon à donner à nos amis Guyanais qui sont seuls dépositaires de leur immense pays avec des problématiques que nous ne vivons pas. Il faut cesser (gouvernements comme d’autres), vouloir absolument nous faire danser au carnaval des autres. C’est donc au peuple Guadeloupéen de décider du chemin à suivre.
Mais faudrait-il encore qu’il s’accorde sur une base minimale. Cela n’empêche pas pour l’heure de mutualiser les moyens avec nos voisins lorsque cela est possible. Quand on n’a pas les ressources suffisantes, il est toujours préjudiciable de pratiquer la politique de la chaise vide. Et de vouloir en imposer à l’Etat. Sans multiplier les rencontres, mêmes scientifiques, les responsables guadeloupéens, doivent sortir de la petite politique, pour que l’Etat n’impose pas en aveugle et par fainéantise, la lourde main bureaucratique et centralisée de Paris. C’est dire qu’il faut prendre de la hauteur. Et mettre aux oubliettes, les rivalités narcissiques et vaniteuses de petits coqs.
Quand il s’agit du devenir du pays Guadeloupe, les querelles villageoises n’ont pas leur place. Et ce d’autant que nous nous trouvons dans une fenêtre de tir exception-nelle : pas d’élection avant 2020. Il est rare que les planètes soient à ce point bien alignées pour transformer notre avenir. Mais encore faudrait-il que nous le voulions vraiment et que nos élus soient réellement à la hauteur. Sinon, tout cela ne sera qu’une occasion manquée. Encore et encore. Dans l’attente d’une autre grande messe pour sortir de cet insupportable bourbier !
Rodes Jean-Claude