Pendant une grosse semaine, du 21 au 30 aout une importante délégation d’artistes, de culturels, de politiques a participé à la 12ème édition de Carifesta à Port au Prince (Haïti). Le bilan est globalement positif.
Officiellement invitée pour la 1ère fois, à Carifesta, la Guadeloupe n’a pas voulu lésiner sur les moyens. Jeudi 21 aout. Pole Caraibe aux environs de 16h dans l’avion qui transportait la délégation guadeloupéenne, pas moins de 58 de nos représentants. En 1er lieu, le président de l’Institut de Coopération Franco Caribéen (ICFC) Alex Falémé et sa directrice, Lydia Barfleur, tous deux coutumiers des voyages dans la Caraibe. Car il faut le souligner c’est bien l’ICFC qui a pris en charge, l’organisation administrative et logistique de ce Carifesta Tour. Aux cotés de l’ICFC, on ne peut pas négliger la présence de l’Association des Ecrivains de la Caraibe (AEC) et celle du Coreca, qui depuis plus de 25 ans s’active de son côté pour faire découvrir « Notre Caraibe ».
Mais à bien regarder, c’est la Région Guadeloupe, qui a tout supervisé. L’ICFC bien que créé en 1973, travaille aujourd’hui « en étroite collaboration » -bel euphémisme- avec la Région, pour tout ce qui touche à la coopération culturelle. En clair, c’est la Région qui a aussi tout financé, puisque chacun sait que le budget de l’ICFC dépend essentiellement de la collectivité. D’ailleurs outre Alex Falémé, une autre élue de la Région était annoncée , Thérèse Marianne Pépin, mais personne n’a jamais su en tout cas officiellement, pourquoi avait-elle boudé Carifesta. Une fois arrivée à l’aéroport de Port au Prince, la délégation a été bien prise en charge par les autorités haïtiennes. Bus climatisé, guide et escorte en armes, hôtel. Rien ou presque n’avait été laissé au hasard. Informé de la présence dans la délégation de son ami Jacques Bangou, le président Marthélly, qui avait été bien reçu lors de l’inauguration du Mémorial Act avait sans doute donné les ordres en conséquence. Coté artistes : Léna Blou, fanmki -ka (Jacqueline Etienne, Ena Eluther..), Festijé Gwadloup (Jean Paul Quicko) ont eux aussi fait le déplacement. Carifesta était aussi l’occasion pour deux membres du Coreca, de se rendre à Pétionville (hauteurs de Port au Prince) où depuis le tremblement de terre de 2010, cette association contribue à la réhabilitation d’une école.
Vendredi 22 aout : ouverture officielle de Carifesta. Les délégations d’une vingtaine de pays de la Caraibe en autres sont attendues. L’aéroport Toussaint Louverture de Port au Prince, tourne à plein régime. Sur le Village Carifesta, près du « Champ de Mars » Coup de chaleur pour la délégation de la Guadeloupe. ! C’est vrai qu’à Port au Prince, la chaleur est étouffante, en moyenne, 35°, mais là n’est pas l’unique problème. Le stand Guadeloupe est très en retard dans sa construction. Le matériel prévu pour l’installation, n’est pas au rendez vous. Panique à bord : Vendredi sur le coup des 15h alors que la plupart des stands du village sont déjà opérationnels celui de la Guadeloupe est encore fermé. Mais le lendemain samedi 23 tout sera réglé et notre stand national ouvrira ses portes et accueillant dans de bonnes conditions, la chaleur en plus, les nombreux « clients » intéressés par les « produits culturels » de notre pays. Qui n’étaient pas à vendre. Dominique Hubert et Lydia Barfleur qui jouent pour la circonstance les hôtesses d’accueil respirent enfin. En fin d’après-midi, l’immense cortège des délégations s’ébranle enfin.
Les couleurs chatoyantes des costumes nationaux, les Tap Tap qui précèdent les délégations, les drapeaux qui s’agitent, les danses dans la rue, l’hymne de Carifesta interprété par Mikaben et repris par tous, donnent un coté festif très caribéen, à ce défilé qui conduit les milliers de participants vers le ‘’kiosque ». Un édifice non couvert pouvant accueilir sur ses gradins environ 400O spectateurs assises. Kiosque qui a été nous-t-on dit rapidement construit pour la circonstance, à proximité du Champ de Mars de la capitale haïtienne. La délégation de la Guadeloupe, se singularise, doublement car elle est la seule, a ne pas porter son «costume national » et aussi la seule à défiler avec un drapeau européen : le tricolore français !
Sur la scène face au kiosque, il est plus de 20 heures et c’est enfin la cérémonie officielle d’ouverture. Une pléiade de discours des personnalités les plus en vue : le Ministre de la culture de Haïti, ( Dithny Joan Raton) le secrétaire général de la CARICOM, ( Irwin Larocque) qui débute en créole et aussi le président Marthelly, qui n’a d’ailleurs pas manqué avant de conclure de saluer la présence dans les gradins de Jacques Bangou. Ensuite un concert dont le clou se devait être Tabou Combo et Beethoba Obas, concert qui hélas a été prématurément interrompu par une grosse pluie. La délégation guadeloupéenne, qui n’avait pas prévu de parapluie est trempée jusqu’à l’os.
Coté artistique, une fois l’ouverture officielle faite, les choses se mettent en place tout doucement. Karine Gabon expose ses oeuvres picturales à Petionville, Nabajoth le photographe expose au Champ de Mars et les Fanm ki ka sont en concert au «Triomphe ». Du point de vue du chant et de la percussion, les Fanm ki ka, n’ont plus rien à démontrer, mais leur prestation un peu trop figée scéniquement peut sembler monotone, et gagnerait à y intégrer une dimension plus visuelle.
Les politiques présents à Carifesta profitent aussi de la circonstance pour multiplier les contacts officiels. Ainsi avant son départ, (Lundi) Alex Falémé s’est préoccupé de ce lycée francais, dont la Région «supervise» la construction. Jacques Bangou et Georges Bredent ont rencontré la ministre haïtienne de la culture et ont côtoyé le président Marthely lors de l’inauguration officielle du musée d’ethnologie. Jacques Bangou qui avait prévu de se rendre à Jacmel (ville du Sud est) n’a pu vraiment le faire. Jocelyne Daril (Cap Excellence) a elle, réactivé ses réseaux en vue des prochains festival de jazz ou de théâtre qu’organisent Cap Excellence. Brigitte Rodes (élue du Conseil Départemantal en charge de la culture), arrivée le vendredi, a pu assister au symposium à la Bibliothéque Nationale d’Haïti. Elle par contre pas pu se rendre à la « Citadelle La Ferrière » cette forteresse construite par le Roi Henry Christophe en 1820 et qui devait servir en cas de tentative francaise de ré-envahir Haïti après l’indépendance arrachée en 1804. L’élue Basse Terrienne, souhaite en effet établir un lien entre les forts de la Guadeloupe et ceux d’Haiti, Un « fô an fanmi » version Caraïbe
Mais L’un des grands moments de ce Caritfesta aura sans doute été, en dehors des nombreux spectacles musicaux et chorégraphiques, cet important symposium pan caribéen : La Caraïbe, une mémoire collective. Colloque qui a rassemblé pendant deux jours, aux cotés du gratin intellectuel de la 1ére République Noire, des spécialistes venus d’un peu partout. La question des «Réparations» a été aussi au centre des débats. Le professeur Hilary Becklers, sommité universitaire barbadienne très engagé sur cette question avait fait le déplacement. La veille, Lyonnel Trouillot, (écrivain) et Earl Lovelace, (président de l’Association des écrivains caribéens), Laennec Hourbon (sociologue haïtien) ont porté eux leur contribution sur le problème de la littérature dans la Caraibe. Thierry L’étang (Guadeloupe) a quant a lui présenté le Mémorial acte.
Jeudi 25 et vendredi 26 aout : Pour une bonne partie de la délégation, l’annonce du passage imminent du cyclone Erika coïncidait avec le retour au pays. Et déjà ici et là on prévoit qu’un prochain Carifesta pourrait se faire en Guadeloupe. Là dessus tout le monde ne s’est pas accordé. Carifesta 2017, c’est certain, se tiendra à la Barbade. En Guadeloupe, cela ne pourra s’envisager qu’à l’horizon 2019 ou plus tard.
Car entretemps il faudrait que la Guadeloupe ait intégré la CARICOM.
Erwin Larocque (secrétaire de CARICOM) nous a affirmé que c’est possible. Mais la décision est politique.
A la fin du mois du mois de décembre, la Guadeloupe et les guadeloupéens sauront si cette adhésion à la CARICOM est sur les rails, car faut-il le souligner pour organiser Carifesta, la CARICOM a tout même «lâché» près de 3 millions de dollars à l’état haïtien. Cet argent a beaucoup contribué au succès de la manifestation et à l’accueil des 25OO participants. Combien faudra-t-il d’argent pour un Carifesta made in Guadeloupe ?
Reportage de Danick ZANDRONIS, envoyé spécial de l’UJMG