On se souvient que le couvre-feu instauré pour les mineurs sur une partie du territoire des communes de Pointe-à Pitre et des Abymes,par un arrêté du 20 avrila été contesté par le Lakou LKP et par la Ligue des droits de l’Homme et que le juge des référés du TA a rejeté les deux recours. On sait moins que par une décision du 10 mai, le juge des référés du Conseil d’Etat (CE) a rejeté l’appel formé par le Lakou LKP contre l’ordonnance du 1er juge. Le juge du CE a pris en compte, pour forger sa conviction, l’aggravation très forte entre le 1er trimestre 2023 et le 1er trimestre 2024 des chiffres de la délinquance : 1) une augmentation des faits de délinquance générale sur l’ensemble de la Guadeloupe (+18 %) dans les zones de compétence de la police nationale ; 2) une augmentation des infractions à la législation sur les stupéfiants (+59 %), des faits de port ou détention d’arme prohibée (+9 %) et des atteintes aux biens (+30 %) ; 3) une augmentation du nombre de mineurs mis en cause pour ces différentes infractions (+35 %) ; 4) une hausse encore plus forte dans les communes de Pointe-à-Pitre (+19%) et des Abymes (+26%) des faits de délinquance générale ; une augmentation (+54% et +89%) des infractions à la législation sur les stupéfiants, une augmentation (+11% et +46%) des faits de port ou détention d’arme prohibée ainsi qu’une augmentation (+35%) des atteintes aux biens dans chacune de ces deux communes ; 5) une hausse du nombre de mineurs mis en cause dans ces diverses infractions (+53 % à Pointe-à-Pitre et +50% et aux Abymes). Il a relevé aussi que plus de 40 % des faits de délinquance commis par des mineurs à Pointe-à-Pitre et aux Abymes le sont entre 19h15 et 2h du matin.
Pour leCE, « la mesure d’interdiction temporaire de circulation entre 20 heures et 5 heures du matin, dans certains quartiers de Pointe-à-Pitre et des Abymes, des mineurs non accompagnés d’un parent ou d’un adulte exerçant l’autorité parentale apparaît justifiée au regard des troubles à l’ordre public que constituent la hausse de la délinquance et les dangers que cette hausse fait courir aux mineurs qui y sont impliqués, et ce alors-même que la part des infractions commises la nuit ne serait pas plus élevée en Guadeloupe qu’en métropole. »
Ite missa est… Le couvre-feu s’est trouvé en définitive conforté par les décisions de justice.
N’en déplaise aux Cassandres selon lesquels il serait cautère sur jambe de bois, le couvre-feu paraît avoir eu une certaine efficacité. Durant la période couverte par l’arrêté, il n’aurait été relevé aucun acte de délinquance de mineurs sur les 2 communes concernées. D’autre part, une régression significative des actes délictueux commis sur l’ensemble de l’archipel par des mineurs pendant le mois de couvre-feu a été constatée : le taux de délinquance des mineurs est tombé à 6,8% à comparer à 10 % au premier trimestre 2024. Ce n’est pas rien mais cette amélioration ne doit pas masquer que la situation reste dégradée par rapport à 2022 (5%) et 2023 (6%).
Le couvre-feu est un moyen efficace mais tout à fait insuffisant pour assurer protection des mineurs en tant qu’auteurs comme en tant que victimes d’actes de délinquance. Si la municipalité de Pointe-à-Pitre élabore activement, dans le cadre d’un contrat local de sécurité, un plan d’action contre l’exposition des jeunes à la délinquance, ce plan n’est pas encore adopté ni par conséquent opérationnel. Dans cette attente et dans le contexte d’une forte progression de la délinquance le préfet a pris la décision de reconduire le couvre-feu jusqu’au 22 juin. L’avenir dira si et dans quelle mesure l’atteinte portée à la liberté des mineurs d’aller et venir a été au service de la sécurité. Il ne faut pas oublier que les libertés fondamentales ne sont pas absolues et qu’elles doivent se concilier avec les nécessités de l’ordre public.