Couvre-feu ! Voilà donc un joli mot qui recouvre des réalités bien moins joyeuses que celle auxquelles il pourrait faire penser.

Couvre-feu ! Voilà donc un joli mot qui recouvre des réalités bien moins joyeuses que celle auxquelles il pourrait faire penser. Le dictionnaire nous indique qu’il s’agit d’une interdiction à la population de circuler dans la rue durant une certaine période de la journée, qui est généralement la nuit et tôt le matin. Elle peut être appliquée en temps de guerre ou de paix. Elle est ordonnée par le gouvernement ou tout responsable d’un pays, d’une région ou d’une ville. Cette mesure est souvent décrétée lors de la déclaration de la loi martiale ou de l’état de siège voire de crise sanitaire.

Le couvre-feu est donc réservé à des situations extrêmes, d’urgence, de crise : loi martiale, état de siège, crise sanitaire (depuis la Covid).

Le couvre-feu pour cause de délinquance juvénile, peut se limiter qu’aux seuls mineurs et ne cibler que certaines villes ou quartiers « difficiles ».

La décision prise par le ministre de l’intérieur Gérald DARMANIN, lors de son passage en Guadeloupe en fin de semaine dernière d’instaurer un couvre-feu à Pointe-à-Pitre à partir de 20 heures pour les mineurs interroge sur la récupération politicienne des uns et des autres.

En premier lieu, comme l’a fait le maire des Abymes Éric JALTON, sur les modalités. Quid des horaires inhabituels ? 20 heures au lieu de 23 heures comme c’est le cas dans certaines villes de France. Cette question a été querellée très vite notamment par les associations sportives et culturelles qui voyaient là une disposition contraignante pour leurs jeunes membres. En outre la limitation aux plus de quinze ans est également problématique alors qu’en général, elle est réservée au moins de 14 ans. D’autres questions se posent sur le périmètre de ce couvre-feu car l’on peut passer très facilement d’une zone à l’autre. Il aurait mieux valu définir toute la zone en deçà de la rocade qui sépare le bourg des Abymes à la zone urbaine de Pointe-à-Pitre. Par ailleurs, la sanction prévue en cas d’infraction est une amende maximale de 750 € (qui serait payée par les parents). Mais en cas de défaillance de ces parents, que faire ? Peut-on mettre ces jeunes (quelques dizaines tout de même) dans des centres d’éducation qui soient en capacité de les recevoir ? Traitement pénal ou social ? Sanctionner ou aider à socialiser ?

Par-delà ces considérations pratiques, l’idée d’établir un couvre-feu pour protéger une société apeurée et paniquée contre les dérapages des jeunes peut se comprendre. Mais on peut aussi s’interroger sur l’efficacité de telles qui peuvent apparaître comme cosmétiques. Ce qui pourrait laisser croire à une certaine impuissance de la part de l’Etat dont la sécurité publique est une des principales prérogatives. Le mal qui ronge nos sociétés est inter-générationnel, car il y a longtemps que le ver est dans le fruit. Les faits de violence notamment à Pointe-à-Pitre, aux Abymes, à Capesterre Belle eau, pris dans leur ensemble, ne sont pas majoritairement commis par des mineurs. Ce qui interpelle c’est la manière de penser et d’interroger cette violence.

Et ce d’autant qu’il s’agit d’un phénomène de long terme que l’on espère traiter avec des solutions de court terme !

Après ces deux mois de couvre-feu, que se passera-t-il ? La violence des mineurs sera-t-elle pour autant éradiquée ? Personne en réalité ne le pense car cela est illusoire. Le syndicat de police Alliance ne se trompe pas à cet égard : « Lutter efficacement contre la criminalité organisée et les équipes de malfaiteurs perpétrant des actions violentes en Guadeloupe ne se résoudra pas par un couvre-feu à l’endroit des mineurs. On estime que les moyens de lutte et particulièrement en termes de personnels, sont insuffisants en comparaison aux efforts déployés pour la lutte contre le grand banditisme en Hexagone ».

Nous l’avons déjà écrit dans ces colonnes, le laisser-faire des dernières décennies a engendré un délitement des valeurs sociales : déstructuration de la famille, réduction du rôle de l’Eglise à la portion congrue, affaiblissement de l’autorité du maître d’école et dissolution de l’action des associations. Ajouté à cela la suppression de la conscription militaire en 1996. Voilà tous les ingrédients et les ferments de l’explosion de la violence dans une société qui se désâme. Le second volet de la lutte contre une violence qui n’est pas propre qu’à nos territoires, réside bien sûr dans les moyens mis pour combattre les trafics de stupéfiants et en corollaire l’introduction massive d’armes sur notre territoire.

Là encore, l’État ici n’a que trop tardé à prendre des mesures drastiques. Pour parer à son impuissance, le ministre du budget annonce encore cette semaine la mise en place prochaine d’un scanner de conteneurs sur le port de Jarry et d’un hélicoptère de surveillance en mer.

L’État semble enfin, prendre conscience des enjeux et de l’importance des trafics, mais le retard à rattraper est immense.

Quant à la coopération avec les États de la Caraïbe, l’Amérique latine voire des États-Unis sur ces questions, on en est qu’aux premiers balbutiements.

Pour revenir à la question de la semaine, on peut se demander, après le couvre-feu, quelle sera la prochaine mesure que prendra le gouvernement pour lutter contre la violence ?

Vite une boule de cristal !

RODES Jean-Claude

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