Anne-Cécile Robert
Nous publions une analyse de notre présidente internationale de la presse francophone(UPF) Anne-Cécile Robert sur une problématique devenue d’une préoccupation brûlante, voire essentielle, hélant l’éthique, tant pour les Etats, les entreprises et les citoyens.
« Et si, à rebours de certains pronostics alarmants, le foisonnement des publications sur les réseaux sociaux et les développements de l’intelligence artificielle (IA) redonnaient toute sa place et sa grandeur au journalisme avec un grand « J » ? C’était l’un des enjeux débattus lors de la conférence organisée par l’UPF internationale le 31 mai dernier à l’auditorium du Monde à Paris.
Beaucoup s’inquiètent de l’avenir du métier quand chacun peut, en deux clics, publier des messages à grande diffusion et se prétendre journaliste.
L’IA « générative » menacerait elle aussi les journalistes en proposant toute sorte de contenus plus ou moins aboutis mais aisés à placer dans la catégorie « article » si on n’est pas trop regardant. Ces processus verraient leur aboutissement ultime dans le remplacement de l’humain par la
machine, du journaliste par l’algorithme, des médias par les plateformes numériques purement commerciales.
La réalisation de ces menaces, réelles, n’a cependant rien de fatal. Ces menaces reposent en effet sur des confusions qu’il nous appartient de
dissiper en rappelant quelques principes fondamentaux. Le premier est que tous les messages « postés » sur les réseau sociaux n’ont pas la même valeur, suivant qu’ils ont été vérifiés ou recoupés bien sûr mais aussi suivant leur contenu : opinion, analyse, sentiment, impression fugace, émotion instantanée, etc.
Le second est que, non, tout le monde ne peut pas s’improviser journaliste :
le journalisme est un métier avec des savoir-faire, des techniques, et des règles – déontologiques notamment – qui s’apprennent et se transmettent de professionnels à professionnels, de praticiens confirmés à apprentis. Relever ces deux confusions et les dissiper permet précisément de donner de la substance et de la valeur à l’ « information » selon qu’elle est passée ou non au tamis des techniques professionnelles de vérification et d’évaluation critique.
Les menaces décrites ici doivent donc, au contraire des pentes fatalistes, inciter à investir les exigences premières du métier de journaliste: vérifier et
recouper les informations, évaluer les sources, pratiquer un doute méthodique face aux fausses évidences et résister à la « dictature de l’urgence », cette course de rapidité génératrice d’erreurs et accélératrices de préjugés et de lieux communs. Prendre le temps de faire son métier nécessite évidemment des moyens: les médias doivent acquérir leur autonomie financière pour aller chercher les informations, analyser et mettre en perspective les contenus, mais aussi pour prendre des risques, proposer des sujets originaux ou attirer le public vers des thèmes difficiles mais essentiels.
Les développements technologiques et la transformation des pratiques sociales imposent un réinvestissement global dans la nature même de la profession et une réflexion sur son rôle social : dévoiler les faits, révéler la réalité et contribuer à éclairer le débat public. Ils nous invitent à valoriser la dimension intellectuelle, proprement humaine, du métier. Ils rappellent que le journalisme remplit une mission sociale et civique au cœur de la démocratie. C’est aussi en chérissant ces valeurs et en cultivant ces exigences que les médias conserveront ou retrouveront la confiance des
populations ».
Ndlr :’L’Union internationale de la Presse Francophone (UPF) est la plus ancienne association francophone de journalistes reconnue par les organisations internationales (ONU, UNESCO, ACCT. Jean Claude RODES en est le premier vice- président au bureau international de l’UPF et Jocelyn DURIZOT membre du comité international. Tous les membres de l’UJMG sont affiliés et encartés à l’UPF.
D.J