Le chiffre est tombé. Sans appel.

Le chiffre est tombé. Sans appel. Effrayant même. Plus d’un quart de jeunes Guadeloupéens ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation. On les désigne par la traduction anglaise de cette situation. Ce sont donc des NEET (No in employement, éducation, or training). L’INSEE a présenté une étude qui montre que la part des NEET est deux fois plus importante en Guadeloupe que dans l’Hexagone. Inacceptable, incompréhensible. Même si on s’en doutait un peu, le chiffre fait mal. Il illustre en effet l’importance de l’échec du système à sortir des générations entières de la perspective du chômage. Echec scolaire qui se traduit également par ailleurs par un taux d’illettrisme de 25% contre lequel aucun plan global n’a jusque là été mis en œuvre malgré le fait que cela dure depuis des décennies. Le système scolaire se contente de reproduire à l’infini les méthodes, la pédagogie, les filières, les programmes utilisés en France sans que jamais on n’expérimente, on ne tente, on n’explore d’autres voies. A ce rythme, en 2050, le peu de jeunes qui restera encore en Guadeloupe sera complètement analphabète. Il faut être aveugle et sourd pour ne pas voir la déconnection grandissante entre le système scolaire et les réalités Guadeloupéennes, entre des enseignants qui n’ont aucun ancrage local  et des élèves qui n’ont plus de repères éducationnels sinon ceux diffusés par les écrans.

Échec de la formation professionnelle, secteur qui n’est devenu au fil du temps qu’une activité spéculative, souvent lucrative, à cause des règles, de critères bureaucratiques dignes du plus pur système soviétique. Malgré différentes tentatives gouvernementales pour réformer ce secteur, il ne se passe plus une année où la Cour des comptes ne dézingue l’inefficacité de la formation initiale et continue, où des milliards sont déversés sans que les résultats ne suivent. D’ailleurs, signe des temps de l’échec de ce secteur en Guadeloupe, c’est au sein du RSMA que l’INSEE a présenté son étude. Le RSMA étant devenu l’un des principaux organes de formation initiale en Guadeloupe. Il a accueilli 700  jeunes en formation en 2021 avec un taux d’insertion à la sortie de près de 80%. L’Etat a donc choisi de donner plus de moyens au RSMA. Malgré tout le bien qu’on puisse penser du RSMA qui permet de « rattraper » certains décrocheurs et d’offrir des perspectives d’emploi aux jeunes recrues à travers l’obtention d’un diplôme de premier niveau dans des secteurs techniques ou de service, à l’échelle d’un pays, l’armée ne peut pas être la seule solution opérante pour former les cadres et les techniciens dont le pays a besoin. Là également, il faut renverser la table et prendre des résolutions fermes visant à reconnecter l’offre de formation aux besoins d’emplois. On comprend dès lors que sur un marché de l’emploi aussi exigu que le nôtre, c’est surtout d’agilité que le système a besoin. 

Selon l’INSEE, ces 27,3% de NEET soit environ 17000 jeunes de 15 à 29 ans, presque la moitié ne sont même plus en recherche d’emploi ou de formation. Pourtant, la formation est d’autant plus importante que l’on constate que 80% des NEET ne possède pas de diplôme. Face à cette situation catastrophique on aurait pu s’attendre à vrai plan global de la formation adapté à la Guadeloupe. Au lieu de cela, on assiste à un vrai dialogue de sourds entre l’Etat, la Région et les représentants des Entreprises. Chacun ayant sa propre stratégie.

Au delà de ce nombre élevé (stock), ce qui est inquiétant c’est la dynamique négative (flux) qui s’installe. Plus le jeune demeure dans une situation de NEET, moins il a de chance de s’insérer un jour dans le marché du travail et plus il risque de basculer dans la marginalité. Un NEET sur cinq est diplômé (presque deux tiers d’entre-eux vivent chez leurs parents). D’ailleurs, un NEET sur quatre est déjà lui-même parent (essentiellement des femmes) ce qui accroît les difficultés à s’insérer sur le marché de l’emploi. En particulier, celles qui ont moins de 30 ans et qui sont sans emploi, cumulent les risques de pauvreté et de difficultés d’insertion professionnelle qui les fragilisent sur le plan socio-économique. 

Ces échecs en terme de formation scolaire et professionnelle conduisent inéluctablement à un échec en matière d’emploi. Si le chômage est aussi élevé chez les moins de trente ans, l’absence de diplôme et de qualification en est la principale cause même si ce n’est pas la seule. Sur l’année 2022, l’INSEE note une stabilisation du chômage voire un certain dynamisme de l’emploi salarié. Mais la hausse des radiations à Pôle Emploi, la reprise de l’activité à la sortie de la crise Covid (et sociale) et incidemment la baisse démographique ne permettent pas encore de voir si l’horizon s’éclaircit vraiment. Pour autant, le chômage demeure structurellement important, et singulièrement chez les moins de trente ans. Du coup la question de la formation demeure essentielle et prioritaire. Etre NEET ce n’est pas toujours très net pour un jeune.

RODES JEAN-CLAUDE.

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