Le slogan « la solution, c’est la vaccination » s’est rapidement heurté en Guadeloupe à celui « on n’est pas des cobayes » d’une partie de la population et cette hostilité si difficile à comprendre alors que plus de 6 milliards de vaccins ont été administrés dans le monde explique que plus de 50% des adultes n’ont pas encore reçu la moindre dose. Cette situation est d’autant plus regrettable que les vaccins n’ont jamais manqué, que très rapidement une douzaine de centres ont été opérationnels, que des vaccinations à domicile ont été rendu possibles et que des équipes se sont déplacées dans les dépendances privées de centres.
D’aucuns évoquent, pour justifier leur défiance à l’encontre de la vaccination, les errements fautifs de l’Etat concernant les autorisations données par dérogation, il y a une trentaine d’années aux planteurs de bananes antillais d’utiliser, pour lutter contre le charençon, la chlordécone, une molécule dont la très grande nocivité était connue et qui était interdite. Si ces errements lourds de conséquences sanitaires et environnementales ont suscité une méfiance compréhensible envers l’Etat, on cherche vainement en quoi elle peut s’étendre à la vaccination. Le scandale aurait été de ne pas envoyer des vaccins en quantité suffisante ou de tarder à les envoyer, ce qui n’a pas été le cas. Cette résistance irrationnelle qui a empêché la conquête d’une immunité collective explique en bonne part la flambée épidémique en août et septembre, avec un taux d’incidence de 2300 cas pour 100.000 habitants, des hospitalisations nombreuses de cas très graves et une explosion des décès.
Où en est globalement la vaccination en Guadeloupe ?
Rendue obligatoire pour certaines professions par une loi du 5 août 2021 fortement contestée, la vaccination est ouverte à toute la population de 12 ans et plus. Au 19 octobre, 235.017 injections ont été pratiquées dont 4.111 en semaine 41, ce qui est peu par rapport aux moyens disponibles en ville et dans les centres. Le pourcentage des adultes ayant reçu la 1ère injection se limite à 45 tandis qu’il atteint près de 80 à Saint-Barthélemy… La vaccination progresse toutefois chez les adolescents et c’est une bonne chose car s’ils sont peu exposés à des formes graves de COVID, ils peuvent contaminer des proches qui le sont ; 6306 mineurs de 12 à 17 ans (soit près de 18%) ont reçu la 1ère injection et 1659 ont eu le rappel.
Un flash sur un centre : le centre municipal du Carmel à Basse-Terre
Ouvert à l’initiative du maire de Basse-Terre et en partenariat avec la Croix Rouge début février, ce centre est installé dans la salle polyvalente du quartier du Carmel depuis le mois de février avait procédé à 1000 vaccinations le 20 avril, ce qui était bien peu eu égard aux moyens déployés mais était en rapport avec la réticence de la population envers le vaccin. Il a connu au mois de septembre, après la progression exponentielle de l’épidémie en août, un rebond d’activité salutaire ; 731 injections ont été pratiquées (dont 200 premières doses et 54 troisièmes). Grâce à un renfort temporaire en personnel soignant de la région parisienne, il a pu déployer une activité extérieure au domicile de personnes ayant des difficultés pour se déplacer et dans les établissements sociaux et médico-sociaux ; en un seul jour, le 10 septembre, il a effectué 60 injections. Du 1er au 20 octobre, alors que le besoin demeure immense, les candidats à la vaccination ont été moins nombreux : 305 injections seulement. Le centre du Carmel, pas plus que les autres, n’est responsable de la méfiance envers la vaccination.
En Guadeloupe, l’immunité collective n’est pas pour demain. Si la situation ne s’améliore pas rapidement, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il faut s’attendre à une 5ème vague. La facture humaine, sociale, économique sera lourde.