Le BTP, fer de lance de notre économie, crie misère. Notre intention ici n’est point de minimiser son rôle économique dans l’édification et la modernisation des infrastructures de notre pays et encore moins le nombre d’emplois que génère ce secteur privé. Le BTP en crise est l’affaire de tous ! Salariés, chômeurs, syndicats, ménages, et pouvoirs publics. Parce qu’il génère de la croissance et que quand le bâtiment va tout va ! Mais ne faut-il pas ici distinguer entre les grosses entreprises — qui ne sont pas, quoique qu’elles disent, toutes à la rue — qui tablent davantage sur la commande publique, et les TPE qui parviennent plus difficilement à s’en sortir. D’autant que ces dernières sont extrêmement exposées et fragilisées à cause de leur faible trésorerie et de fonds propres insuffisants. Rappelons — et ce n’est l’apanage du seul BTP — que du fait de l’étroitesse du marché, nos petites entreprises sont contraintes de mobiliser beaucoup plus de capital afin de surfinancer qui leurs stocks, qui leurs immobilisations et maintenant leur trésorerie. Cette analyse que j’ai fait valoir, a été largement partagée lors de l’émission du vendredi à 18h 30, de notre confrère de Guadeloupe 1ère, Eric Lefèvre, par ailleurs membre de la première heure de l’Union de la Presse Francophone et adhérent de l’UJMG deux entités jumelées que président DURIZOT Jocelyn.
Ceci dit, il faut dépasser ces constats, qui n’apportent aucune lueur de solution. Une question doit être cependant posé au préalable, sur la méthode, qui relève pour certains d’un éternel chantage. Certes il y a encore beaucoup à faire pour la construction, pour développer le pays (logements sociaux, routes, désenclavements, hôpitaux, établissements administratifs, projets portuaires, infrastructures sportives… D’ailleurs après la livraison du rectorat, du Macte, de la centrale de EDF, de l’aérogare régionale, il reste à entamer le nouveau CHU (590M), la future Cité Judiciaire de Pointe-à-Pitre (36 millions), le multiplex des Abymes (cinéma et commerces) (52 M). Ici, Jacky Massicot a raison. Les mastodontes du BTP ne peuvent compter éternellement que sur la commande publique et les politiciens ni se retourner toujours vers les collectivités, l’Etat et les fonds européens. Je l’ai déjà dit. Nos entrepreneurs doivent cesser leur aventure solitaire. Ils doivent s’unir pour conquérir des marchés dans notre environnement proche. Ils doivent, pourquoi pas, s’allier avec des entreprises hexagonales ou Européennes dans un contrat gagnant-gagnant (comme c’est le cas à la Dominique entre Bouygues et Gaddarkhan). Comme pour la banane, ils peuvent et doivent demander la révision des dispositions pour les soulager de la concurrence, (qui est celle du libre combat entre le loup et l’agneau) face à de grandes entreprises européennes. Pour des zones en retard de développement comme la nôtre, certaines dérogations (défiscalisation aménagée, priorité d’emplois aux autochtones à compétences égales…) peuvent être plus profondément envisagées.
Ça ne fera pas plaisir à tout le monde, mais venons-en à la méthode, s’agissant du rapport de force, du chantage des va-t’en guerre ! C’est à se demander si seuls les puissants, peuvent se faire entendre.
Il n’y a pas que les syndicats révolutionnaires, appelant à la grève générale, qui pensent que quand tout est bloqué, il faut passer en force. Pour se faire entendre, certains gros patrons du BTP (pas toujours en conformité avec la législation sur le travail non déclaré ni un comportement respectueux envers leurs salariés) n’en pensent pas moins avec leurs lourds et redoutables « engins ». Ils menacent et jouent sur nos peurs, paralysant notre quotidien avec des conséquences irréversibles.
Faut-il y voir une irresponsabilité, quand on sait que si on crée encore beaucoup d’entreprises en Guadeloupe leur durée de vie à 3 ans est extrêmement faible. Beaucoup pensent qu’une grève patronale avec blocage de l’activité, seraient une trouvaille pour se débarrasser (dixit Raymond Barre) des canards boiteux ! Et l’on sait bien que an final dikont sé lé pli piti ki ké pran fè.
José GADDARKHAN, président de la FRBTP, après avoir été reçu par le président de Région, a présenté la semaine dernière à la presse la position des entreprises du BTP affirmant qu’il n’hésiterait pas à sortir l’artillerie lourde. Défendre son gagne-pain est un droit légitime. Mais il faut dans un pays déjà violent, éviter à ouvrir la boîte de pandore et que les créatures n’échappent pas à leur créateur. Il faut dans un tel contexte, ici savoir garder raison.
Les vrais leviers, s’agissant d’un plan de relance, pour le bâtiment et autres secteurs clés de l’économie, comme pour la formation et l’emploi, se trouvent et nous ne le cessons de le dire, davantage à Paris et à Bruxelles. C’est d’ailleurs ce message que font passer nos exécutifs respectifs près des autorités de tutelle. Le Président CHALUS a donc porté les revendications du BTP auprès de Matignon et surtout de Bercy. En ouvrant un peu les vannes et en débloquant des dossiers de défiscalisation, le gouvernement a en effet la possibilité de désamorcer la crise en libérant des projets en attente depuis des mois. Pour sa part la Région a également la possibilité de soulager immédiatement la trésorerie des entreprises en payant la totalité des travaux livrées et des prestations terminées en 2015. C’est d’ailleurs dans ce même larèl que le président Chalus avait rencontré le président de la commission européenne Junker à Bruxelles. Et c’est précisément ce qu’il fait en tant que député, cette semaine, à l’Assemblée Nationale et avec le secrétaire d’Etat au budget, en marge de la discussion autour de la loi El Khomry.
Reste à espérer que toutes ces démarches porteront leurs fruits pour désamorcer la crise qui s’annonce. Après tout, nous sommes rentrés en période pré-électorale. Saison des cadeaux et des mille-fleurs !
Rodes Jean-Claude.